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54. И. Н. и Е. Л. ТЮТЧЕВЫМ

20—22 января/1—3 февраля 1840 г. Мюнхен

Munich. Ce 1er février/20 janvier 1840

Je suis de nouveau bien coupable envers vous, chers papa et maman. Depuis six semaines il ne s’est pas coulé un jour que je ne me sois sévèrement reproché de l’avoir laissé passer sans vous écrire. Votre dernière lettre que j’ai reçue il y a quelques jours est venue enfin rompre la glace. Je vous remercie des choses bonnes et affectueuses que vous dites dans cette lettre de ma femme. Elle mérite à tout égard l’opinion favorable que vous vous en êtes formée. On ne pourrait être meilleure qu’elle n’est, plus vraie, plus aimante et dévouée. Vous l’aimerez certainement dès que vous la connaîtrez.

Je vois avec peine par votre lettre que vous êtes beaucoup plus préoccupés de ma santé qu’il n’y a lieu de l’être. Depuis six semaines que j’ai commencé la cure d’eau j’éprouve une amélioration dans ma santé que je n’osais plus espérer. Il m’est démontré maintenant, par le bon effet de cette cure que le principe de mon mal était dans les nerfs affaiblis et surexcités. Toutes mes autres infirmités n’étaient que la conséquence de celle-ci. Or il est reconnu que l’eau froide et le grand air sont les seuls moyens de fortifier les n<er>fs. Je ne puis assez me féliciter d’avoir, par une sorte d’instinct, re<non>cé depuis des années à toute drogue de pharmacie. C’est là ce qui me facilite maintenant le succès de ma

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cure. Mon appétit, depuis que je l’ai commencée, s’est sensiblement amélioré, tous ceux qui me voient s’accordent à me trouver meilleure mine. Voici, j’espère, chère maman, un bulletin qui doit vous satisfaire. Et ce qui achèvera de vous rassurer, c’est qu’il y a près de moi quelqu’un dont la faculté de s’inquiéter de ma santé à tout propos et hors de propos ne peut se comparer qu’à celle que je vous ai connu, autrefois, à vous-même. Car ce n’est certainement pas la faute de ma femme, si je ne me suis pas encore définitivement convaincu que j’étais de neige et que j’allai fondre et m’évaporer au premier rayon de soleil.

Nous sommes maintenant en plein carnaval. Les bals se suivent sans interruption. Nous allons beaucoup dans le monde. J’y vais plutôt par nécessité que par goût. Car la distraction quelqu’elle soit est devenue une véritable nécessité pour moi... Dernièrement Sévérine a donné un des plus beaux bals de la saison. Je vous ai dit, <je crois>, que S<évérine> s’est pris d’une grande affection pour moi que je paie de retour, plus encore par reconnaissance que par sympathie. Sa position est assez singulière dans ce pays. Il est très bien traîté par le Roi1 qui l’estime et l’apprécie, mais par contre, il est très peu goûté par la société de Munich. Hier il a eu une lettre de Joukoffsky qui lui annonce une prochaine entrevue. Vous savez sans doute que le Grand-Duc Héritier est attendu le mois prochain à Darmstadt2, d’où il viendra probablement à Munich, faire une visite à la Duchesse de Leuchtenberg3. Ici, on s’attend de voir toute la Famille Impériale dans le courant de l’été prochain. Une chose certaine, c’est l’arrivée de la Gr<ande>-Duchesse Marie avec son époux qui doivent venir ici au mois de août, pour passer tout l’hiver à Munich. Mais il est fortement question aussi d’un voyage que l’Impératrice doit faire, à la même époque, en Allemagne, d’où elle se rendrait en Italie pour y passer l’hiver4. Or, si le projet se réalise, il n’y a pas de doute qu’elle passera par ici. Elle s’est trop plu la dernière fois dans le pays, pour ne pas désirer de le revoir, lors même qu’il n’y aurait pas de raisons de famille, pour l’engager à y revenir.

On sait aussi ici que le Comte de Nesselrode avait l’intention de venir l’été prochain en Allemagne, probablement aux eaux de

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Bohème. Je désire beaucoup que cela se fasse. Car toutes ces puissances sont plus accessibles et plus maniables en pays étranger que chez elles. Aussi dès que je le saurai à Carlsbad, j’irai le trouver5. Je ne sais pas encore au juste ce que je lui demanderai, mais je demanderai... Une place de secrétaire de légation ne pourrait me convenir. Je ne l’accepterai, en aucun cas. Reste à savoir, s’ils consentiront à me nommer conseiller d’ambassade ou, à défaut d’un poste semblable, à me donner une place un peu convenable au département...

Dernièrement j’ai eu la boucle de service pour quinze ans... C’est une assez triste indemnité pour quinze années de vie — et quelles années. Mais, puisqu’en fin j’étais destiné à y survivre, — acceptons la vie et la boucle telles qu’elles nous viennent. Si seulement on pouvait oublier...

Ce 3 février

Parlons maintenant de mes affaires. Il y a six mois que je me propose de vous en parler. Mais une invincible répugnance m’a empêché jusqu’à présent d’aborder ce sujet. Et si vous n’avez pas, cher papa, parlé le premier, peut-être aurais-je persévéré à me taire. J’ai appris avec peine la gêne du moment que les mauvaises récoltes de l’année dernière vous font éprouver et je serais désespéré de venir dans un pareil moment. Soyez bien persuadé que s’il ne s’agissait que de moi j’aurais dès à présent renoncé de bon cœur et à tout jamais à la pension que vous me faisiez autrefois. Ma femme, sans avoir une grande fortune, en a assez pour nous faire vivre tous les deux, et elle ne demanderait pas mieux que de la dépenser pour moi, jusqu’au dernier sou. Aussi depuis le mois de juillet dernier moi aussi, bien que les enfants, nous vivons entièrement à son frais, et de plus, aussitôt après notre mariage elle a payé pour moi vingt mille roubles de dettes. Encore une fois, elle a fait cela avec empressement, avec bonheur, et il n’a pas dépendu d’elle que je n’y attachasse aussi peu d’importance qu’elle y en a mis elle-même.

Mais à tort ou à raison, il m’est tout à fait impossible d’accepter un pareil arrangement comme définitif6. Je pourrais peut-être encore me résigner, pour ce qui me concerne personnellement,

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à vivre à ses dépens, mais vous comprenez que je ne pourrais consentir à lui imposer à tout jamais l’entretien de mes enfants. C’est déjà bien assez des soins de tout genre qu’elle voue à leur éducation, elle qui jusqu’à présent ne s’est jamais trouvée dans le cas de s’occuper de rien de pareil. Mais si outre les soins je devais encore mettre à sa charge la dépense matérielle de leur entretien et de leur éducation, ceci, je vous avoue, me gâterait tout à fait le bonheur que j’éprouve à avoir gardé ces enfants auprès de moi. Telles sont, cher papa, les raisons qui m’empêchent de renoncer à la pension de 6000 r<oubles> qui vous me ferez et qui font que tout en regrettant, plus que je ne puis le dire, l’embarras que je vous cause, j’accepte avec reconnaissance la promesse que vous me faites dans votre lettre de me la continuer. J’ai tout lieu d’espérer que dans le courant de cet été je réussirai à obtenir une place, soit à l’étranger, soit à St-Pétersbourg. Et si cette place est telle que je le désire, je serais trop heureux de pouvoir alors vous délivrer de la charge que je vous impose en ce moment.

Cette lettre vous trouvera encore à Minsk, pour plus de sûreté. C’est à Nicolas que je l’adresse, en le priant de vous le faire parvenir. Nous avons eu tout récemment de ses nouvelles de Varsovie. Il a écrit à ma femme une lettre très bonne et très aimable, pour lui dire qu’il consentait à être le parrain de l’enfant qui va venir. Mais il se trouve qu’il a un concurrent dans la personne de Mr de Sévérine qui veut à toute force être aussi le parrain du dit enfant. Pour moi, je ne demande pas mieux pourvu qu’il soit entendu que Nicolas est le parrain № 1.

Bien des remerciements à ma chère Dorothée pour son souvenir. Elle me pardonnera de ne pas lui écrire séparément, ni aussi longuement que je le voudrais.

Je pense bien souvent à elle et lui fais vœux les plus sincères pour qu’elle soit heureuse. Comment va sa santé? Votre présence, chère maman, doit lui être d’une grande consolation. Restez-vous encore longtemps à Minsk? Dans sa lettre à ma femme il y a un souvenir que je lie pour moi à tout ce que j’ai de plus cher et de plus intime dans l’âme. C’est celui de ce pauvre enfant qu’elle a perdu — né le jour même de mon départ d’auprès de vous et mort

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sur les bras de celle qui n’a pas tardé à le suivre7. Il serait beau d’aller les rejoindre.

Adieu, chers papa et maman. J’attends impatiemment de vos nouvelles. Il y a dans votre dernière lettre un mot sur la santé de maman qui m’inquiète beaucoup. Que Dieu vous conserve et vous protège et qu’Il daigne nous accorder la grâce de nous revoir encore une fois. — A bientôt.

Mes amitiés à Mr Сушков.

Целую ваши ручки.

Ф. Тютчев

Перевод:

Мюнхен. 1 февраля/20 января 1840

Я опять очень виноват перед вами, любезнейшие папинька и маминька. За истекшие полтора месяца не проходило ни одного дня, чтобы я не укорял себя за то, что день прошел, а я опять не написал вам. Ваше последнее письмо, полученное мною несколько дней тому назад, послужило наконец для меня примером. Благодарю вас за добрые и сердечные слова, сказанные вами в этом письме о моей жене. Она во всех отношениях заслуживает благоприятного мнения, которое вы о ней составили. Нельзя быть лучше нее, более искренней, более любящей и преданной. Вы несомненно полюбите ее, как только узнаете.

С огорчением вижу из вашего письма, что вы гораздо более озабочены моим здоровьем, нежели есть к тому основание. С тех пор как полтора месяца тому назад я начал лечение водою, я ощущаю улучшение, на какое не смел уже и надеяться. Благотворное действие этого лечения доказало мне теперь, что причина моей болезни кроется в нервах, ослабленных и чрезмерно возбужденных. Все же остальные мои недуги были лишь следствием этого. А ведь известно, что холодная вода и свежий воздух являются единственным средством для укрепления нервов. Я не могу достаточно нарадоваться тому, что по какому-то безотчетному чувству уже давно отказался от всяких аптекарских снадобий. Именно

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это и способствует теперь успеху всего лечения. С тех пор как я его начал, мой аппетит заметно улучшился, и все, кто меня видит, сходятся на том, что я поправился. Вот, любезнейшая маминька, бюллетень, который, я надеюсь, должен вас удовлетворить. А окончательно вас успокоит на мой счет то, что при мне находится некто, чья способность тревожиться за мое здоровье по всякому поводу и без всякого повода может сравняться лишь с той, какую я знавал когда-то у вас самих. Ибо уж, конечно, не вина моей жены, если до сего времени я еще не уверился в том, что слеплен из снега и при первом солнечном луче растаю и испарюсь.

Мы сейчас в самом разгаре карнавала. Балы чередуются без перерыва. Мы много бываем в свете. Я бываю там скорее по необходимости, чем по склонности, ибо развлечение, какое бы то ни было, стало для меня настоящей потребностью. Недавно Северин дал один из прекраснейших балов сезона. Я говорил вам, кажется, что Северин возымел ко мне большую привязанность, за что я плачу ему взаимностью, скорее из признательности, чем из симпатии. Его положение в этой стране довольно странное. Король1 очень хорошо обходится с ним, уважает его и ценит, — зато он совсем не по вкусу мюнхенскому обществу. Вчера он получил письмо от Жуковского, который его уведомляет о предстоящем свидании. Вы без сомнения знаете, что великого князя наследника ожидают в будущем месяце в Дармштадт2, откуда он, вероятно, приедет в Мюнхен навестить герцогиню Лейхтенбергскую3. Здесь рассчитывают видеть все императорское семейство в течение будущего лета. Достоверно одно, это приезд великой княгини Марии Николаевны с супругом, которые должны прибыть сюда в августе, чтобы провести всю зиму в Мюнхене. Упорно поговаривают и об одновременном путешествии императрицы в Германию, откуда она будто бы отправится на всю зиму в Италию4. А если этот проект осуществится, нет сомнения в том, что по дороге она заедет сюда. В последний раз ей так понравилось в этих краях, что она несомненно пожелает снова их увидеть, даже если ее и не будут к тому побуждать семейные причины.

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Здесь известно также, что граф Нессельроде собирается приехать будущим летом в Германию, вероятно, на Богемские воды. Я очень желаю, чтобы это состоялось. Ибо все эти сильные мира более доступны и более покладисты за границей, нежели у себя дома. Поэтому, как только я узнаю, что он в Карлсбаде, я к нему отправлюсь5. Я еще не знаю в точности, о чем я буду его просить, но я буду просить... Должность секретаря при миссии для меня не подходит. Я ни в коем случае не приму ее. Но еще вопрос, согласятся ли они назначить меня советником посольства или, за неимением подобного поста, дать мне более или менее подходящее место в департаменте...

Недавно я получил значок за пятнадцать лет службы... Это довольно жалкое вознаграждение за пятнадцать лет жизни — и каких лет! — Но уж раз мне суждено было их пережить — примиримся с жизнью и со значком — каковы бы они ни были. Кабы только можно было забыть...

3 февраля

Теперь поговорим о моих делах. Вот уже полгода, как я собираюсь писать вам о них. И если бы вы, любезнейший папинька, не заговорили первый, я, может статься, продолжал бы упорно молчать. Я с огорчением узнал о временных затруднениях, испытываемых вами вследствие прошлогоднего неурожая, и в отчаянии, что обращаюсь к вам в подобную минуту. Будьте вполне уверены, что если бы дело касалось меня одного, я бы тотчас и навсегда охотно отказался от пенсиона, который вы мне давали прежде. Моя жена, не обладая большими средствами, имеет достаточно для содержания нас обоих, и готова все свое состояние до последней копейки истратить на меня. С прошлого июля и я, и дети, мы всецело живем на ее счет, а сверх того тотчас после нашей свадьбы она уплатила за меня двадцать тысяч рублей долгу. Повторяю, она сделала это охотно, с радостью, и не от нее зависело, чтобы я не придавал этому столь же мало значения, сколь и она сама. Но справедливо ли, нет ли, я никак не могу согласиться на такой порядок, как на окончательный6. Что касается меня лично, я еще мог бы покориться необходимости жить на ее счет,

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но вы понимаете, что мне невозможно навязывать ей навсегда содержание моих детей. Вполне достаточно и тех разнообразных забот по их воспитанию, которые она взяла на себя, а ведь ей до сих пор никогда не приходилось заниматься чем-либо подобным. Но если сверх этих забот я еще должен был бы взвалить на нее расходы на их содержание и на их воспитание, то, признаюсь, это совсем расстроило бы счастье, испытываемое мною от того, что дети остались при мне. Таковы, любезнейший папинька, основания, не дозволяющие мне отказаться от выплачиваемых вами 6000 рублей, и хотя я несказанно огорчен тем, что причиняю вам затруднение, я с благодарностью принимаю обещание, данное вами в письме, продолжать выплачивать мне этот пенсион. Я имею основания надеяться, что в течение этого лета мне удастся получить место либо за границей, либо в С.-Петербурге, и если оно будет таким, как мне бы хотелось, я с радостью избавлю вас от обузы, которую навязываю вам сейчас.

Это письмо застанет вас еще в Минске; для большей верности я адресую его Николушке с просьбой доставить его вам. Совсем недавно мы имели от него известия из Варшавы. Он написал моей жене очень ласковое и очень любезное письмо, уведомляя ее о своем согласии быть крестным отцом будущего ребенка. Но у него оказался соперник в лице Северина, который также во что бы то ни стало желает быть крестным отцом упомянутого ребенка. Что касается до меня, я ничего не имею против этого, с условием, чтобы Николушка был крестным отцом № 1.

Очень благодарю мою милую Дашиньку за память. Она извинит меня за то, что я не пишу ей отдельно и не столь пространно, сколь желал бы. Я очень часто думаю о ней и искренне желаю ей счастья. Как ее здоровье? Ваше присутствие, любезнейшая маминька, должно служить для нее большим утешением. Долго ли еще пробудете вы в Минске? В ее письме к моей жене есть упоминание о том, что мне так дорого и что хранится так глубоко в моей душе. Это упоминание о бедном ребенке, которого она потеряла, — родившемся в самый день моего отъезда от вас и умершем на руках той,

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которая не замедлила за ним последовать7. Хорошо было бы соединиться с ними.

Простите, любезнейшие папинька и маминька. С нетерпением жду известий о вас. В вашем последнем письме упоминается о здоровье маминьки, оно очень беспокоит меня. Сохрани и защити вас Господь и дай нам милость увидеться еще раз — и скоро.

Передайте мой дружеский привет Сушкову...

Целую ваши ручки.

Ф. Тютчев