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1-го декабря [1826 г. Псковъ.]
Cher Zoubkof, vous n’avez pas reçu de lettre de moi & en voici la raison: je voulois vous arriver comme une bombe le 1 dec. c. à d. aujourd’hui, il y a donc 5 a 6 jours que je suis parti de mon maudit village en перекладная — vu les chemins détestables — Les ямщикъ de Pskov n’ont eu rien de plus pressé que de me verser, j’ai le côte foulé, la poitrine malade, je ne puis réspirer, de rage je joue & je perds — En voilà assez: j’attends que je sois tant soit peu mieux pour reprendre la poste.
Vos deux lettres sont charmantes; mon arrivée eut été la meilleure réponse aux reflexions, objections &c. Mais puisque me voilà dans une auberge de Pskov au lieu d’être aux pieds de Sophie, jasons, c. à d. raisonnons.
J’ai 27 ans, cher ami — Il est tems de vivre, c. à d. de connaître le bonheur — Vous me dites qu’il ne peut être éternel: belle nouvelle! Ce n’est pas mon bonheur à moi qui m’inquiète, pourrois-je n’être pas le plus heureux des hommes auprès d’elle — je tremble seulement en songeant au sort qui, peut-être, l’attend — je tremble de ne pouvoir la rendre aussi heureuse que je le désire. Ma vie jusqu’à present si errante, si orageuse, mon caractère inégal, jaloux, susceptible, violent & faible tout à la fois — voilà ce qui me donne des moments de reflexions pénibles — Dois-je attacher à un
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sort aussi triste, a un caractère aussi malheureux, le sort d’un être si doux, si beau? ——Mon dieu qu’elle est jolie! et que ma conduite avec elle a été ridicule — Cher ami tachez d’effacer les mauvaises impressions qu’elle a pu lui donner — dites lui que je suis plus raisonnable que je n’en ai la mine et la preuve—что тебѣ въ голову придетъ. Мерзкой этотъ Панинъ, два года влюбленъ а свататься собирается на Фоминой недѣлѣ — а я вижу разъ ее въ ложѣ, въ другой на балѣ а въ третій сватаюсь! Si elle trouve que Панинъ a raison, elle doit croire que je suis fou, n’est-ce pas? — expliquez lui donc que c’est moi qui ai raison, que quand on l’a vue, il n’y a pas à balancer, que je ne puis avoir des prétentions à la séduction, que j’ai donc très bien fait d’en venir tout droit au dénouement, qu’une fois qu’on l’aime il est impossible de l’aimer d’avantage, comme il est impossible de la trouver plus belle encore avec le tems, car il est impossible d’être plus belle — Ангелъ мой, уговори ее, упроси ее, настращай ее Панинымъ сквернымъ и жени меня.
А. П.
A Moscou, je vous dirai quelque chose. Je tiens à ma Turquoise toute infame qu’elle est. Je félicite le C-te Samoilof.
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