202
Июнь — июль 1831 г. Петербург.
J'ai mille choses à vous dire, mais comme vingt deux verstes nous séparent, je suis1 réduit à vous écrire dix mots. Le projet d'un journal politique et littéraire est charmant, je m'en occupe beaucoup: j'ai cherché et je crois avoir trouvé pour son exécution une route à la fois sûre et noble. Vous connaissez M.<onsieur> Ouvaroff, jadis Arzamacide : à ce qu'il me paraît il me veut du bien quoiqu'il ne soit pas tout à fait bien avec mon patron, mais en revanche il est très bien avec le Gén.<éral> Benckendorf; votre projet lui a été communiqué, il l'approuve, il y applaudit, il en est enchanté et en parlera au Général quand vous voudrez. Je vous le répète, vous connaissez M.<onsieur> Ouvaroff: vous devez donc savoir que c'est un homme de cour, aigri par des non-succès, mais qui ne poussera jamais la rancune jusqu'à refuser une place importante qui lui aurait été offerte, c'est un homme d'esprit blasé sur les jouissances que l'esprit procure, mais toujours prêt à rentrer dans la carrière littéraire et savante; en dernier analyse, c'est un bon enfant, mais un enfant vaniteux, qui se dépite, qui s'impatiente de n'être pas parvenu au degré de considération et de pouvoir qu'il ambitionnait par deux routes qu'il a sucsessivement essayées; il en a pris une troisième, celle des richesses, et il a rencontré encore plus d'obstacles. Je le crois converti, au moins je le trouve bien plus aimable que je ne l'ai connu autrefois. Tout le mal vient d'avoir suivi d'abord le chemin de la gloire, ensuite celui des honneurs, d'avoir pris l'un pour l'autre et de les avoir confondus. C'est une erreur, mais ses anciens amis ont été aussi trop exigeants, j'oserai dire injustes envers lui; ils lui ont supposé, je ne sais trop pourquoi, une fermeté stoïque, une âme romaine, et quand ils ont vu qu'ils s'étaient trompés, ils se sont éloignés de lui comme d'un transfuge, comme d'un parjure. Malgré tout mon respect, toute ma déférence pour eux, je ne le trouve pas si coupable ; l'estime, la bonne volonté que je lui montre, me paraissent payés de la même monnaie. L'idée de votre projet a été saisie par lui avec une ardeur, je dirai même, une grâce enfantine. Il promet, il jure de coopérer à l'exécution; du moment qu'il vous connaît dans les bons principes, il est prêt d'adorer votre talent, qu'il ne faisait qu'admirer jusqu'ici. Dans son impatience, il voudrait vous voir Membre honoraire de son Académie des sciences; le premier fauteuil Académique vacant chez Schischkoff doit vous être destiné, vous être réservé: poète, vous n'avez pas besoin de servir, mais pourquoi ne seriez<-vous> pas de la Cour? Si une couronne de lauriers orne le front du fils d'Apollon, pourquoi une clef ne décoreraît-elle pas le derrière du descendant d'une race antique et noble? Enfin, ce ne sont que projets de bonheur et de gloire pour celui qui ne se contente pas d'illustrer son pays, mais veut aussi le servir de sa plume.
Enfin, vous voyez qu'il ne tient qu'à vous d'avoir des partisans bien chauds et bien zélés. — Il désire beaucoup que vous veniez le voir, mais pour être plus sûr, que vous lui écriviez pour lui demander une entrevue et marquer l'heure et le jour, vous aurez une réponse prompte et satisfaisante. Dans votre billet vous pourrez me citer, mais ne rien dire du contenu de celui que je vous écris. Il devait être en dix mots, comme je l'ai dit au commencement, mais il paraît que je suis de ces gens, qui ont besoin de deux heures pour les dire et trois pages pour les écrire.Adieu, au revoir. Et à quand ce revoir?
Wiegel. <См. перевод>