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613. П. Я. Чаадаев — Пушкину.

17 июня 1831 г. Москва.

Eh bien, mon ami, qu'est devenu mon manuscrit? Point de nouvelles de vous depuis votre départ. J'ai d'abord hésité de vous écrire pour vous en parler, voulant, selon mon usage, laisser faire au temps son affaire; mais après réflexion, j'ai trouvé que pour cette fois le cas était différent. J'ai, mon ami, achevé tout ce que j'avais à faire, j'ai dit tout ce que j'avais à dire: il me tarde d'avoir tout cela sous la main. Faites donc en sorte, je vous prie, que je n'attende pas trop longtemps mon ouvrage, et écrivez-moi bien vite ce que vous en avez fait. Vous savez de quoi il s'agit pour moi? Ce n'est point de l'effet ambitieux, mais de l'effet utile. Ce n'est pas que je n'eusse désiré sortir un peu de mon obscurité, attendu que ce serait un moyen de donner cours à la pensée que je crois avoir été destiné à livrer au monde: mais la grande préoccupation de ma vie, c'est de compléter cette pensée dans l'intérieur de mon âme et d'en faire mon héritage.

Il est malheureux, mon ami, que nous ne soyons pas arrivés à nous joindre dans la vie. Je persiste à croire que nous devions marcher ensemble et qu'il en aurait résulté quelque chose d'utile et pour nous et pour autrui. Ce retour m'est venu à l'esprit, depuis que je vais quelquefois, devinez où? — au club anglais. Vous y alliez me disiez-vous; je vous y aurais rencontré, dans ce local si beau, au milieu de ces colonnades si grecques, à l'ombre de ces beaux arbres; la puissance d'effusion de nos esprits n'aurait pas manqué à se produire d'elle-même. J'ai éprouvé souvent chose semblable.

Bon jour, mon ami. Ecrivez-moi en russe; il ne faut pas que vous parliez d'autre langue que celle de votre vocation. J'attends de vous une bonne longue lettre; parlez-moi de tout ce que vous voudrez: tout m'intéressera venant de vous. Il faut nous mettre en train; je suis sûr que nous trouverons mille choses à nous dire. A vous et bien à vous, du fond de mon âme.

Tchadaieff.

17 juin. <См. перевод>