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Март — апрель 1829 г. Москва.
Mon vœu le plus ardent, mon ami, est de vous voir initié au mystère du temps. Il n'y a pas de spectacle plus affligeant dans le monde moral que celui d'un homme de génie méconnaissant son siècle et sa mission. Quand on voit celui qui doit dominer les esprits, se laisser dominer lui-même par les habitudes et les routines de la populace, on se sent soi-même arrêté dans sa marche; on se dit, pourquoi cet homme m'empêche-t-il de marcher, lui qui doit me conduire? C'est vraiment ce qui m'arrive, toutes les fois que je songe à Vous, et j'y songe si souvent que j'en suis tout fatigué. Laissez-moi donc marcher, je vous prie. Si vous n'avez pas la patience de Vous instruire de ce qui se passe dans le monde, rentrez en vous-même et tirez de votre propre intérieur la lumière qui se trouve inmanquablement dans toute âme faite comme la vôtre. Je suis convaincu que vous pouvez faire un bien infini à cette pauvre Russie égarée sur la terre. Ne trompez pas votre destinée, mon ami. Depuis quelque temps on lit le russe partout; vous savez que M. Boulgarine a été traduit, et placé à la suite de M. de Joui; quant à vous, il n'y a pas de cahier de la Revue où il ne s'agisse de vous ; je trouve le nom de mon ami Goulianof prononcé avec respect dans un gros volume, et le fameux Klaproth lui décer-nant une couronne Egyptienne; je crois vraiment qu'il a fait chanceler les pyramides sur leurs bases. Voyez ce que vous pouvez Vous faire de gloire. Jettez, un cri vers le ciel, — il vous répondra.
Je vous dis tout cela, comme vous voyez, à l'occasion d'un livre que je vous envoie. Comme il y a là un peu de tout, il réveillera peut-être en vous quelques bonnes idées. Bonjour, mon ami. Je vous dis comme ce Mahomet disait à ses Arabes, — ah si vous saviez!
Адрес: Monsieur Pouchkine. <См. перевод>