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278. Анна Н. Вульф — Пушкину.

11 сентября 1826 г. Петербург.

Que vous dirais-je et comment commencerais-je ma lettre? — Cependant je sens un besoin de vous écrire qui ne me permet d'écouter ni réflexion, ni raison. Je suis comme une autre par la nouvelle que j'ai appris hier de votre dénonciation. Dieu du Ciel, que vous arrivera-t-il donc? Ha! Si je pouvais vous sauver au risque de mes jours avec quel plaisir je les aurais sacrifiés [pour vous] et pour toute grâce j'aurais demandé au Ciel de vous revoir un moment avant de mourir. Vous ne sauriez vous imaginer dans quelles angoisses je suis — l'incertitude où je suis sur votre compte est horrible — jamais je n'ai souffert ainsi moralement — et jugez, je dois partir dans deux jours sans avoir rien appris de certain sur votre compte. Non je n'ai rien senti de si affreux dans ma vie — et je ne sais comment je n'en perds pas l'esprit. Moi qui comptais vous revoir enfin ces jours-ci! Jugez [comme] quel coup inattendu a dû être pour moi la nouvelle de votre départ pour Moscou. Mais cette lettre vous parviendra-t-elle et où vous trouvera-t-elle? — voilà des questions aux quelles personne ne peut [vous] répondre. Vous trouverez peut-être que je fais bien mal de vous écrire, et je le trouve aussi, mais cependant je ne puis me priver de cette seule consolation qui me reste. C'est par Вяземский que je vous écris; il ne sait pas de qui est la lettre, il a promis de la brûler s'il ne peut vous la remettre. Vous fera-t-elle encore plaisir? — vous avez peut-être bien changé depuis quelques mois — elle peut même vous paraître déplacée — cette idée, je l'avoue, est affreuse pour moi, mais en ce moment je ne puis songer à rien qu'au danger où vous êtes, et je passe par-dessus toute autre considération. S'il vous est possible, au nom du Ciel, répondez moi un mot. Delvig se proposait de vous écrire avec moi une longue lettre où il vous priait d'être circonspect!! — Je crains bien que vous ne l'ayez pas été. — Dieu, avec quelle joie j'aurais appris que vous êtes pardonné, dussai-je ne vous revoir jamais, quoique cette condition serait pour moi affreuse comme la mort. Vous ne direz pas cette fois que cette lettre est spirituelle, elle n'a pas le sens commun et cependant je vous l'envoie telle qu'elle est. Quel malheur vraiment que de donner dans les каторжник. Adieu, quel bonheur

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si tout finissait bien, autrement je ne sais ce que je deviendrai. Je me suis bien compromise hier en apprenant l'affreuse nouvelle, et quelques heures avant j'ai été au théâtre à lorgner le P.<rince> Viazemsky pour pouvoir vous en parler en revenant! J'aurais eu beaucoup à vous dire, mais aujourd'hui je dis toujours [p<eu>] trop ou trop peu et je crois que je finirai par déchirer ma lettre.

le 11 septembre.

Ma cousine A[nnette] K[ern] prend le plus vif intérêt à votre sort, nous ne parlons que de vous, elle seule me comprend et ce n'est qu'avec elle que je pleure. C'est si difficile pour moi de feindre et je dois paraître gaie quand mon âme est déchirée. Netty [aussi] est très touchée de votre sort. Que le Ciel veille sur vous et vous protège. — Imaginez-vous ce que j'éprouverai en arrivant à Trigorsk. Quel vide — et quel tourment — tout vous rappellera à mon souvenir. — C'est avec un sentiment bien différent que j'ai cru approcher ces lieux, que Trigorsk m'était devenu cher — je croyais y retrouver l'existence, comme je brûlais d'y retourner et maintenant je n'y retrouverai qu'un souvenir déchirant. Pourquoi l'ai-je quitté, hélas! Mais je vous parle de mes sentiments avec trop d'abandon. Il est temps de finir. Adieu, conservez-moi quelque affection, celle que je vous porte le mérite. Dieu, si je vous revoyais content et heureux.

<см. перевод>