Sous le nom d'Ukraïne ou de Petite Russie l'on entend une grande
étendue de terrain réunie au colosse de la Russie et qui comprend les
gouvernements de Tchernigov, Kiov, Harkov, Poltava et
Kamenetz-Podolsk.
Le climat y est doux; la terre féconde, elle est boisée vers
l'occident, au midi s'étendent plaines immenses traversées par de larges
rivières et oú le voyageur ne rencontre ni bois ni collines.
Les Slaves ont de tout temps habité cette vaste contrée. Les villes
30 de Kiov, Tchernigov et Lubetch sont aussi anciennes que Novgorod-Veliki,
ville libre et commerçante, dont la fondation remonte aux
premiers siècles de notre ère.
Les Polianes habitaient les bords du Dniepre, les Severiens et les
Soulitches les bords de la Desna, de la Seme et du Soula, les Radimitchs
sur les rivages de la Soge, les Dregovitches entre la Dvina occidentale
et le Pipete, les Drevliens en Volynie; les Bouges et les Doulebes
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sur le Boug, les Loutichs et les Tiverces à l'embouchure du Dniestre
et du Danube.
Vers le milieu du 9 siècle Novgorod fut soumise par les Normands,
connus sous les noms de Varègues-Rousses. Ces hardis aventuriers
portèrent plus loin leurs invasions, subjuguèrent tour à tour les peuplades
qui habitaient les bords du Dniepre, du Boug, de la Desna. Les
différentes peuplades slaves qui adoptèrent le nom de Russes grossirent
l'armée de leurs vainqueurs. Ils s'emparèrent de Kiov; Oleg y établit
le siège de sa domination.
10 Les V<arègues>-Russes <se> rendirent terribles au Bas-Empire et plus
d'une fois leur flotte barbare vint menacer la riche et faible Byzance.
Ne pouvant les repousser par la force des armes elle se flatta de les
attacher au joug de la religion — l'évangile fut prêché aux sauvages
adorateurs de Peroune, et Vladimir subit le bartême. Ses sujets
adoptèrent avec une stupide indiff<érence> la religion que préférait
leur Chef.
Les Russes devenus formidables aux peuples les plus éloignés étaient
toujours en butte aux invasions de leurs voisins les Bolgars et les
Petchenegues et les Polovtsi. Vlad<imir> partagea entre ses fils les conquêtes
20 de ses ancêtres.
Ces princes dans leurs apanages étaient des délégués du Souverain,
chargés de contenir les émeutes et de repousser l'ennemi. Ce n'était pas
là comme on voit le gouvernement féodal, système basé sur
indépendance des individus et le droit égal au butin. Mais bientôt les
rivalités et les guerres éclatèrent et pendant plus de deux cents ans
durèrent sans interruption. La résidence du Souverain fut transférée
<à> la ville de Vladimir. Tchernigov et Kiov perdirent peu à peu leur
importance. Cependant d'autres villes s'élevèrent au midi de la Russie:
Korsoune et Boguslave sur la Rossi (gouv.<ernement> de Kiov), Starodub
30 sur le Babentza (gouv. de Tchernigov), Strezk et Vostrezk (gouv. de
Tchernigov), Tripol (près de Kiov), Loubny et Chorol (gouv. de Poltava),
Prilouk (gouv. de Polt.<ava>), Novgorod-Seversky (gouv. de
Tcher.<nigov>). — Toutes ces villes existaient déjà vers la fin du XIII siècle.
Tandis que les petits fils de Vlad.<imir> se disputaient entre eux
son héritage, et que les peuplades guerières qui habitaient à l'Est de
mer noire venaient servir d'auxiliaires aux uns et partager les dépouilles
des autres — un fléau inattendu vint frapper les princes et les peuples
de la Russie.
Les Tartares se présentèrent aux frontières de la Russie. Ils étaient
40 précédés de ces mêmes Polovtsi qui chassés de leurs pâturages se
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réfugiaient en foule auprès des princes qu'ils avaient tour à tour servis
et dépouillés. Les princes s'assemblèrent à Kiov; la guerre y fut résolue;
la multitude accourut de toute part et se rangea sous leurs drapeaux.
Georges, grand prince de Vladimir, fut le seul qui ne voulut pas
prendre sa part des dangers de cette expédition. L'affaiblissement des
apanages était les fruits qu'il en attendait.
L'armée des princes réunie aux Polovtsi s'avança contre un
ennemi inconnu et déjà redoutable. Des envoyés tartares parurent
sur les bords du Dniepre au moment où l'armée russe en effectuait <?>
10 le passage. Ils proposèrent aux princes l'alliance contre les Polovtsi;
mais ceux-ci usèrent de leur influence et les envoyés furent égorgés.
L'armée avança toujours; cependant les dissentions ne tardèrent pas
à s'y élever. Les deux Mstislav, le prince de Kiov et celui de GaIitz
en vinrent à une rupture ouverte. Arrivé sur les bords du
Kalka (rivière du gouv.<ernement> de Yekaterinoslav) Mstislav de
Galitz le passa avec ses troupes, tandis due le reste de l'armée
sous la conduite du prince de Kiov se retrancha sur le bord opposé.
Le lendemain (31 mai 1224) l'ennemi parut — et la bataille s'engagea
entre l'armée tartare et <le> corps avancé composé des troupes du
20 prince de Galitz et des Polovtsi. Ceux-ci plièrent d'abord, et
portèrent le désordre dans les rangs des Russes. Ceux-ci combattaient
encore, animés par l'example du brave Daniel de Volynie, mais
l'orgueil insensé des princes fut cause de leur perte; Mstislav de
Kiov n'envoya pas de secours au prince de Galitz et celui ne voulut
pas en demander.
Bientôt tout fut en déroute, les Polovtsi en fuyant tuaient les
Russes pour les dépouiller à la hâte. Les Russes repassèrent le
Kalka poursuivis par les Tartares et dépassèrent le camp du Prince
de Kiov qui, spectateur immobile de leur défaite, comptait encore
30 sur ses propres forces pour reposser les vainqueurs [qui] bientôt
l'entourèrent. Les Tartares entamèrent une négociation à la faveur
de laquelle ils s'emparèrent du camp. Le carnage fut horrible.
Mstislav et quelques autres princes subirent un sort affreux. Les
Tartares, après les avoir liés et couchés par terre, les couvrirent d'une
planche et s'assirent dessus en écrasant tout vifs. Ainsi périt une armée
naguère si formidable. Les Russes furent poursuivis jusqu'à Tchernigov
et Novgorod-Seversky. [Tout] fut livré au fer et aux flammes. Tout
à coup les vainqueurs s'arrêtèrent et leurs hordes se retir<èrent> vers
l'Est où <ils> rejoigni<rent> la grande armée de Tchingis-han campée
40 alors en Bukharie <См. перевод>.
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