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782. Л. ГЕККЕРЕНУ.

25 января 1837 г. В Петербурге.

Monsieur le Baron!

Permettez-moi de faire le résumé de ce qui vient de se passer. La conduite de Monsieur votre fils m’était connue depuis longtemps et ne pouvait m’être indifférente. Je me contentais du rôle d’observateur, quitte à intervenir lorsque je le jugerais à propos. Un incident, que dans tout autre moment m’eût été très désagréable, vint fort heureusement me tirer d’affaire: je reçus les lettres anonymes. Je vis que le moment était venu et j’en profitai. Vous savez le reste: je fis jouer à Monsieur votre fils un rôle si pitoyable, que ma femme, étonnée de tant de lâcheté et de platitude, ne put s’empêcher de rire, et que l’émotion que peut-être avait-elle ressentie pour cette grande et sublime passion, s’éteignit dans le mépris le plus calme et le dégoût le mieux mérité.

Je suis obligé d’avouer, Monsieur le Baron, que votre rôle à vous n’a pas été tout à fait convenable. Vous, le représentant d’une tête couronnée, vous avez été paternellement le maquereau de Monsieur votre fils. Il paraît que toute sa conduite (assez maladroite d’ailleurs) a été dirigée par vous. C’est vous qui, probablement, lui dictiez les pauvretés qu’il venait débiter et les niaiseries qu’il s’est mêlé d’écrire. Semblable à une obscène vieille, vous alliez guetter ma femme dans tous les coins pour lui parler de l’amour de votre bâtard, ou soi-disant tel; et lorsque malade de vérole il était retenu

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chez lui, vous disiez qu’il se mourait d’amour pour elle; vous lui marmottiez: rendez-moi mon fils.

Vous sentez bien, Monsieur le Baron, qu’après tout cela je ne puis souffrir que ma famille ait la moindre relation avec la vôtre. C’était à cette condition que j’avais consenti à ne pas donner suite à cette sale affaire, et à ne pas vous déshonorer aux yeux de notre cour et de la vôtre, comme j’en avais le pouvoir et l’intention. Je ne me soucie pas que ma femme écoute encore vos exhortations paternelles. Je ne puis permettre que Monsieur voire fils, après l’abjecte conduite qu’il a tenue, ose adresser la parole à ma femme, ni encore moins qu’il lui débite des calembours de corps de garde, et joue le dévouement et la passion malheureuse, tandis qu’il n’est qu’un lâche et qu’un chenapan. Je suis donc obligé de m’adresser à vous, pour vous prier de mettre fin à tout ce manège, si vous tenez à éviter un nouveau scandale, devant lequel, certes, je ne reculerai pas.

J’ai l’honneur d’être, Monsieur le Baron,

 

26 Janvier 1837.

Votre très humble et très obéissant serviteur.

Alexandre Pouchkine.

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