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22 июля 1835 г. В Петербурге.
Monsieur le Comte,
J’ai eu l’honneur de me présenter à la porte de Votre Excellence, sans avoir eu le bonheur de la trouver chez elle.
Accablé des bontés de Sa Majesté, c’est à vous, Monsieur le Comte, que je viens m’adresser pour vous rendre grâce de l’intérêt que vous avez bien voulu me témoigner et pour vous exposer franchement ma situation.
Pendant les cinq dernières années de mon séjour à Pétersbourg j’ai contracté près de soixante mille roubles de dettes. J’ai été de plus obligé de prendre en mains les affaires de ma famille, cela m’a si fort embarassé, que j’ai été obligé de renoncer à un héritage et que les seuls moyens que j’eus de mettre ordre à mes affaires, étaient — ou de me retirer à la campagne — ou bien d’emprunter, une fois pour toutes, une forte somme d’argent. Mais ce dernier parti est presqu’impossible en Russie, où la loix accorde au créancier une trop faible garantie, et où les emprunts sont presque toujours des dettes entre amis et sur parole.
La reconnaissance n’est pas pour moi un sentiment pénible; et certes, mon dévouement à la personne de l’Empereur n’est trouble par aucune arrière pensée de honte ou de remords; mais je ne puis me dissimuler que je n’ai absolument aucun droit aux bienfaits de Sa Majesté et qu’il m’est impossible de rien demander.
C’est donc à vous, Monsieur le Comte, que je remets encore une fois à décider de mon sort, et c’est en vous suppliant d’agréer l’hommage de ma haute considération, que j’ai l’honneur d’être aven respect et reconnaissance,
Monsieur le Comte,
de Votre Excellence
le très humble et très obéissant serviteur
22 juillet 1835.
St. Pétersbourg.
Alexandre Pouchkine.