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90. В. Ф. ВЯЗЕМСКОЙ.

Конец октября 1824 г. Из Михайловского
в Москву (или Остафьево)

(Черновое)

Belle, bonne Princesse Véra, âme charmante et généreuse! Je ne vous remercierai pas pour votre lettre, les paroles seraient trop froides et trop faibles pour vous exprimer mon attendrissement et ma reconnaissance... Votre douce amitié suffirait à toute âme moins égoïste que la mienne; tel que je suis, elle seule me consola de bien des chagrins et seule a pu calmer la rage de l’ennui qui consume ma sotte existence. Vous désirez la connaître, cette sotte existence: ce que j’avais prévu s’est trouvé vrai. Ma présence au milieu de ma famille n’a fait que redoubler des chagrins assez rudes. On m’a reproché mon exil; on se croit entraîné dans mon malheur, on prétend que je prêche l’athéisme à ma soeur qui est une créature céleste et à mon frère qui est très drôle et très jeune, qui admirait mes vers et que j’ennuie très certainement. Dieu seul sait, si je songe à lui? Mon père a eu la faiblesse d’accepter un emploi qui dans tous les cas le mit dans une fausse position à mon égard; cela fait que je passe à cheval et dans les champs tout le temps que je ne suis pas au lit. Tout ce qui me rappelle le mer m’attriste — le bruit d’une fontaine me tait mal à la lettre — je crois qu’un beau ciel me ferait pleurer de rage; но слава богу небо у нас сивое, а луна точная репка... A l’égard de mes voisins je n’ai eu que la peine de les rebuter d’abord; ils ne m’excèdent par — je jouis parme eux de la réputation d’Onéguine — et voilà, je suis prophète en mon pays. Soit. Pour toute ressource je vois souvent une bonne vieille voisine — j’écoute ses conversations patriarcales. Ses filles assez mauvaises sous tous les rapports me jouent du Rossini que j’ai fait venir. Je suis dans la meilleure position possible pour achever

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mon roman poétique, mais l’ennui est une froide Muse — et mon poème n’avance guère — voilà pourtant une strophe que je vous dois — montrez-la au Prince Pierre. Dites lui de ne pas juger du tout par cet échantillon.

Adieu, ma respectable Princesse, je suis à vos pieds bien tristement, ne montrez cette lettre qu’à ceux qui l’aime et qui prennent à moi l’intérêt de l’amitié et non de la curiosité. Au nom du ciel, un mot d’Odessa — de vos enfants! — avez-vous consulté le docteur de Mili? que fait-il <См. перевод> — и что Мили?