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Georges Charles d’Anthès.
par Louis Metman.
La famille d’Anthès tire son origine de l’île de Gottland. En 1529 on la trouve fixée à Weinheim, dans le Palatinat, où ses membres exercent, à plusieurs reprises, les fonctions de Consul1).
Jean Henri d’Anthès, né à Weinheim, le 2 janvier 1670, vint s’établir dans la Haute-Alsace, où son père exploitait des hauts-fourneaux à Belfort et possédait les mines d’argent de Giromagny. Il dirigea la forge d’Oberbrück et y créa une manufacture royale de fers blancs pour laquelle il obtint privilèges exclusifs, avec exemption de droits de douane, par lettres patentes du 14 septembre 1720. Quelque temps après il créa dans la Basse Alsace la Manufacture d’armes blanches de Klingenthal, suivant lettres patentes du 15 juillet 1730. L’année suivante il fut anobli par lettres royales de décembre 1731. Il mourut à Oberbrück le 11 novembre 1733. Il avait acquis en 1723 et en 1730 la seigneurie et le château de Blotzheim, en 1731 les biens des Függer, en 1732 le fief de Brinkheim. Il possédait en Bourgogne les seigneuries de Longepierre, de Villecomte et de Vernot.
C’est vers 1720 qu’il acquit sa propriété de Soultz (Haute-Alsace) qui devint le séjour habituel de la famille.
Son fils, Jean Philippe d’Anthès, Conseiller au Conseil souverain d’Alsace, né à Sewen près d’Oberbrück (Haute-Alsace), le 28 juillet 1699, mourut à Soultz le 21 décembre 1760; il est enterré dans l’église de cette ville.
De son mariage avec Marie Elisabeth de Mougé, fille d’un Conseiller Secrétaire du Roi au Conseil souverain d’Alsace, il eut six enfants: trois garçons et trois filles. Il conserva les propriétés de la famille et les augmenta en 1738 de la seigneurie de Nambsheim dans la Haute-Alsace.
Son fils aîné, François Henri d’Anthès, baron de Longepierre, Président à mortier au Parlement de Dijon, mourut sans postérité.
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La descendance de Jean Philippe d’Anthès se continue dans son troisième fils:
Georges-Charles-François-Xavier d’Anthès naquit à Colmar en 1739. Il épousa le 22 juillet 1771, Marie-Anne-Suzanne-Josèphe, Baronne de Reuttner de Weyl, dont il eut sept enfants: quatre fils et trois filles.
Pendant la Révolution il émigra; ses biens furent mis sous séquestre, mais, grâce à des amis secrets, sa maison familiale fut transformée en maison d’arrêt et ainsi ne fut pas aliénée.
Rentré à Soultz le 10 Prairial an V, il fut amnistié pour fait d’émigration et le 16 Brumaire an X, ses propriétés lui étaient rendues.
Son second fils, Joseph Conrad, continue la ligne directe et sera le père de Georges-Charles d’Anthès, baron de Heeckeren.
Joseph Conrad, baron d’Anthès, seigneur de Blotzheim, naquit à Soultz le 8 mai 17731): élève à l’Ecole Royale Militaire de Pont à Mousson, puis officier au Royal allemand, il fit partie des contingents militaires qui, sous les ordres du Marquis de Bouillé, tentèrent en juin 1791 de favoriser la fuite du roi Louis XVI à Varennes. Pendant l’émigration, il séjourna en Allemagne, auprès de son oncle et parrain, le baron de Reuttner, commandeur de l’Ordre Teutonique.
Rentré à Soultz avec son père, il épousa dans la même ville, le 29 septembre 1806, Marie-Anne-Louise, comtesse de Hatzfeldt, née à Mayence le 8 juillet 1784.
Marie-Anne-Louise était la fille unique de Lothaire-François-Joseph, comte de Hatzfeldt, général-major au Service de l’Electeur de Mayence et capitaine de ses Gardes à cheval et de Frédérique-Eléonore, comtesse de Wartensleben2).
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Le Comte de Hatzfeldt était le frère cadet de Frantz Ludwig, premier prince de Hatzfeldt (1756—1827) qui fut l’objet d’une mesure de clémence de l’Empereur Napoléon I (octobre 1806), popularisée par la gravure. Gouverneur de Berlin pendant l’occupation française, il avait été condamné à mort par un Conseil de Guerre pour avoir semblé fournir, dans une lettre, au gouvernement prussien des renseignements sur les effectifs français. Mais sur les instantes prières de sa femme, grosse de trois mois, l’Empereur lui avait fait grâce.
Ses autres frères étaient les comtes Max et Hugo de Hatzfeldt, morts sans postérité.
Une de ses sœurs avait épousé le comte Neipperg; une autre — le comte Nesselrode, et la troisième — le comte de Coutenhove.
La femme du comte de Hatzfeldt, Frédérique-Eléonore de Wartensleben, appartenait à une ancienne famille de la noblesse rhénane et avait pour sœur la comtesse Moussine-Pouchkine, femme de l’ambassadeur de l’Impératrice Catherine II auprès de la cour de Saint James.
Pendant la Révolution, le comte et la comtesse de Hatzfeldt, de passage à Strasbourg, furent arrêtés comme étrangers et suspects, le 6 juin 1793, sur l’ordre des représentants du Peuple envoyés près de l’armée du Rhin. Transférés à Paris avec leur fille, âgée de neuf ans, ils furent incarcérés dans la maison d’arrêt de Picpus. Quelques mois après sa libération le comte de Hatzfeldt mourut à Paris le 18 Pluviose an VI.
Sa veuve rentrée en Alsace en 1798, se remaria vers 1800 avec le comte de Waldner de Freundstein1), propriétaire du château et de la terre d’Ollviller2) (Haute-Alsace), très proche de la petite ville de Soultz où habitait depuis près d’un siècle la famille d’Anthès et où Joseph Conrad connut sa fiancée. Après son mariage, célébré à Soultz le 29 septembre 1806, il continua d’habiter la maison familiale.
Sa situation de fortune était aisée. Quelque temps après son mariage, ses propriétés territoriales se trouvèrent fort augmentées à la mort du
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frère aîné de son père, M. d’Anthès de Nambsheim, qui fit de lui son légataire universel (1807).
En 1823 le baron d’Anthès, déjà membre du Conseil Général du Haut-Rhin, entra à la Chambre des Députés. Il y siégea jusqu’en 1829. Très attaché à sa terre natale, il ne séjournait à Paris que pendant les sessions législatives et partageait son temps entre ses propriétés de Soultz et la ville de Colmar où il possédait un hôtel.
Par ses traditions de famille il appartint à la droite de l’Assemblée.
Aimé de ses collègues pour sa droiture et sa loyauté, s’appliquant à rendre à ses compatriotes tous les services en son pouvoir, il avait su se concilier le respect et l’affection de tous par la dignité de sa vie publique et la simplicité de sa vie familiale1). Après la révolution de 1830, le baron d’Anthès rentra dans la vie privée. Il était Chevalier de la Légion d’Honneur.
De son mariage avec Marie-Anne de Hatzfeldt il eut six enfants:
1° — Marie-Eugénie, mariée au comte de Cerzé-Lusignan, lieutenant-colonel d’Etat-Major (1807—1876);
2° — Josèphe-Marie-Anne, célibataire (1809—1848);
3° — Georges-Charles, plus tard baron de Heeckeren (1812—1895);
4° — Alphonse-Lothaire, célibataire (1813—1884);
5° — Frédérique-Adelaïde, célibataire (1816—1873);
6° — Alexandrine-Clotilde, mariée au baron Mertian (1822—1903).
Georges-Charles était donc le troisième enfant et le fils aîné du baron d’Anthès. Il naquit à Colmar le 5 février 1812.
Ses premières études se firent en Alsace, au Collège de la Chapelle sous Rougemont, dans le Haut-Rhin, puis à Paris, au lycée Bourbon. Malgré la recommandation du Général Comte Rapp, n’ayant pu être admis, faute de place, au corps des Pages de Charles X, dont son oncle paternel, le comte de Belle-Isle, maréchal de camp, était gouverneur, il se présenta à l’Ecole Militaire de Saint-Cyr, où il entra en 1829 avec le ¹ 4. En juillet 1830 il fit partie des détachements de l’Ecole qui, de concert avec les régiments restés fidèles, essayèrent sur la place Louis XV de soutenir à Paris la cause de Charles X bientôt obligé de prendre la route de l’exil. Mais ayant refusé avec plusieurs de ses camarades de servir la Monarchie de Juillet, il dut quitter l’Ecole Militaire et après avoir compté, pendant quelques semaines, parmi les partisans qui se groupèrent en Vendée autour de la Duchesse de Berry, il rentra auprès
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de son père qu’il trouva profondément affecté par un changement politique qui détruisait la monarchie légitime qu’il avait servie autant par sympathie que par tradition.
En vérité, au lendemain d’une Révolution qui ruinait toutes ses espérances, un jeune homme, d’un caractère vif et indépendant, comme Georges d’Anthès, ne pouvait trouver l’emploi de ses facultés dans la monotone existence provinciale qui lui était offerte.
La mort de la Baronne d’Anthès survenue en 1832 vint augmenter pour lui la tristesse du foyer familial. Georges d’Anthès, éloigné par les opinions royalistes des siens, du gouvernement que la France s’était donnée se décida alors à prendre du service à l’étranger, selon un usage encore fréquent à cette époque.
Les alliances de sa famille semblaient devoir lui faciliter un établissement en Prusse et, grâce à la protection du Prince Royal Guillaume, il aurait été admis dans un régiment, si le grade de sous-officier lui avait convenu. Mais pour un élève de Saint-Cyr, qui serait sorti officier de l’école Militaire au bout d’un stage de deux ans, c’eût été déchoir, et Georges d’Anthès refusa. Le Prince Royal de Prusse lui continuant sa protection, lui conseilla alors de passer en Russie où l’Empereur Nicolas, son beau-frère, saurait témoigner sa bienveillance à un légitimiste français. Arrivant à St.-Pétersbourg avec une si haute recommandation, Georges d’Anthès était assuré d’y trouver des protecteurs1).
Le comte Adlerberg s’occupa de lui, lui indiqua des professeurs qui le mirent en mesure de passer avec succès l’examen auquel il dut le grade de cornette au régiment des Chevaliers Gardes de l’Impératrice. Mais auparavant il avait été autorisé par le gouvernement français à prendre du service à l’étranger sans perdre sa nationalité. En 1836 il recevait de l’avancement et passait lieutenant au même régiment.
Les témoignages d’intérêt donnés en plusieurs circonstances par l’Empereur Nicolas, les alliances de sa famille en Allemagne et en Russie, où Georges d’Anthès avait retrouvé sa grand’ tante maternelle, la comtesse Moussine-Pouchkine2), un physique que les portraits du temps
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nous présentent comme très séduisant, firent bientôt au jeune officier une situation en vue dans les salons de St.-Pétersbourg.
Il eut l’heureuse fortune de rencontrer le baron de Heeckeren-Beverwaert, ministre du roi de Hollande auprès de l’Empereur de Russie, et celui-ci, attiré par l’intelligence et la bonne grâce de Georges d’Anthès, s’intéressa à lui et entra en correspondance régulière avec le baron d’Anthès, qui se montra de suite reconnaissant d’une protection propre à servir son fils aussi bien dans sa carrière militaire que dans ses relations mondaines1).
Le Baron Louis Borchard de Heeckeren était né en 1792. Il appartenait à une famille protestante, d’ancienne noblesse hollandaise, dont il était le dernier-né2). En 1805, il était entré dans la Marine comme aspirant. Son premier port d’attache avait été Toulon. De son passage dans le service de Napoléon I, il avait gardé une vive sympathie pour les idées françaises.
Les évènements de 1815 vinrent arrêter cette vocation maritime. Ayant pris du service dans la diplomatie de son pays qui avait retrouvé son indépendance, il fut nommé en 1815 au poste de secrétaire de légation à Stockholm. Sa carrière fut rapide, puisqu’en 1832 il se trouvait, à 42 ans, Ministre à St.-Pétersbourg. Une amitié étroite l’avait uni dans sa jeunesse au duc de Rohan-Chabot qui, après avoir servi comme colonel dans les armées impériales, avait eu la tragique aventure de perdre sa jeune femme brûlée vive par imprudence. Entré par désespoir dans les ordres, le Duc de Rohan était parvenu rapidement aux plus hautes dignités ecclésiastiques; il devait mourir cardinal-archevêque de Besançon en 1833. Pendant un séjour à Rome, Monseigneur de Rohan avait converti son ami au catholicisme3), ce qui permit, quelques années plus tard au Baron de Heeckeren de négocier avec Grégoire XVI le Concordat intervenu entre le Souverain Pontife et la Hollande. Ce changement de religion l’avait un peu éloigné de sa famille.
C’est ainsi qu’une culture toute française et un cousinage éloigné, tel qu’il pouvait en exister entre le baron de Heeckeren et les familles rhénanes auxquelles Georges d’Anthès était apparenté par son père et sa mère expliquent les liens d’amitié qui s’établirent entre deux hommes de caractères et de goûts en vérité très différents.
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Toutefois l’affectueux dévouement du Ministre de Hollande, son esprit pondéré ne pouvaient avoir que l’influence la plus heureuse sur le caractère ardent d’un jeune homme de vingt-trois ans qui, dans une société brillante, avait à éviter non seulement les entraînements d’une nature impulsive, mais encore à se défendre contre la jalousie de ceux qui voyaient d’un mauvais oeil un étranger prendre rang dans l’armée et plair dans les salons.
Ce sont ces sentiments qui s’expriment à chaque ligne de la code respondance échangée entre le Baron de Heeckeren et le Baron Conrad d’Anthès. Aussi celui-ci ne s’étonna-t-il pas, lorsque le Ministre de Hollande lui demanda, n’ayant pas d’enfants, de transmettre son nom à un jeune homme dont il suivait la carrière avec une si paternelle solliciteur. M. d’Anthès accepta d’autant plus volontiers une proposition aussi honorable qu’il espérait que son fils cadet, Alphonse1), très attaché à l’Alsace, resterait auprès de lui, se marierait pour perpétuer son nom et continuerait à l’aider dans la gestion de sa fortune composée uniquement de propriétés difficiles á surveiller.
En 1834 le baron de Heeckeren profita d’un voyage à Paris pour venir en Alsace et y faire la connaissance de M. d’Anthès et de sa famille.
Après que l’assentiment des membres de la famille Heeckeren eut été recueilli dans un acte authentique, le roi des Pays-Bas, par des lettres patentes du 5 mai 1836, autorisa Georges Charles d’Anthès à prendre le nom, le titre et les armes de Baron de Heeckeren pour lui et sa descendance2).
Le mois suivant, il était inscrit sous cette nouvelle qualification sur les contrôles de l’armée russe (lettre du Comte de Nesselrode au baron de Heeckeren — Archives du Baron de Heeckeren d’Anthès).
C’est dans les salons de St.-Pétersbourg que Georges de Heeckeren rencontra Madame Pouchkine et, s’il eut l’imprudence de lui témoigner quelques attentions, la haine la médisance vinrent très vite dénaturer le
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caractère des relations mondaines qu’il avait avec elle. En effet un autre sentiment que l’admiration que pouvait inspirer la grande beauté de Madame Pouchkine le poussait à fréquenter une maison où il avait fait la connaissance de la soeur aînée, Catherine Gontcharoff1), dont l’intelligence élevée et les traits charmants l’avaient vivement séduit.
Le poète s’alarma cependant d’une intimité qu’ il ne s’expliquait pas: une lettre anonyme vint l’irriter au point qu’il adressa à Georges de Heeckeren, le 16 novembre 1836, une provocation verbale qu’il retira verbalement d’abord, puis par écrit sur la demande expresse de son adversaire.
Une lettre, dont il existe, dans les archives du baron de Heeckeren, le texte écrit de la main de Pouchkine, semble avoir été une première rédaction qui n’aurait pas satisfait Georges de Heeckeren, à cause de l’allusion au projet matrimonial. La copie d’une seconde rédaction, très différente, accompagnée d’une note qui en précise l’esprit, se trouve dans les mêmes archives en place d’un texte original qui a peut-être été conservé dans les pièces du procès. Quoiqu’il en soit, ce document établit que Georges de Heeckeren ne devait déclarer ses projets de mariage qu’après le duel, afin que Pouchkine n’eût pas le droit de les considérer comme une retraite de la part de son adversaire.
Le mariage fut célébré dans les deux églises, catholique et orthodoxe, le 10 janvier 1837. Les témoins furent, dans l’une, le baron de Heeckeren-Beverwaert et le Conseiller Intime en fonctions Grégoire Comte Stroganoff, oncle direct de la mariée, dans l’autre, M. Augustin de Béthancourt, capitaine aux Chevaliers Gardes, et le Vicomte d’Archiac, parent du marié et attaché à l’ambassade de France; Madame Gontcharoff, née Zagriajski étant retenue à la campagne, le comte et la comtesse Stroganoff, oncle et tante de la mariée, lui servirent de père et de mère; les parents de Georges de Heeckeren étaient représentés par le Ministre de Hollande et la comtesse de Nesselrode2).
Après le mariage les rapports des deux ménages restèrent corrects bien que froids.
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A la suite de nombreuses lettres anonymes dont l’écriture était chaque fois dissimulée, mais qui présentaient un indéniable caractère d’identité et par là une preuve de perfide machination, Pouchkine écrivit au baron de Heeckeren, ministre des Pays-Bas, une lettre injurieuse qui força Georges de Heeckeren à relever une insulte qui atteignait non seulement l’honneur de celui dont il portait le nom, mais encore le sien propre.
Les pourparlers qui ont précédé le triste évènement de janvier 1837 sont connus; tous les documents qui s’y rapportent ont été publiés. Georges d’Anthès se présenta sur le terrain, assisté du Vicomte d’Archiac, attaché à l’ambassade de France, allié à la famille d’Anthès.
Après le duel Georges de Heeckeren, blessé, fut incarcéré à la forteresse St.-Pierre et St.-Paul. Il passa en jugement. Dans ses interrogatoires, dont il reste un brouillon informe, il ne cessa de protester de l’innocence de Madame Pouchkine et de la pureté des sentiments qu’elle avait pu lui inspirer. Grâcié par l’Empereur en considération de la gravité de l’offense qui lui avait été faite, il fut reconduit à la frontière1).
Sa femme, qui n’avait jamais cessé de douter de son affection, le réjoignit à Berlin, accompagnée par le Baron de Heeckeren qui, en cette circonstance, témoigna à ceux qu’il appelait ses enfants la plus tendre sollicitude.
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Quelques semaines plus tard, le jeune ménage partit pour l’Alsace et vint s’installer à Soultz dans la maison paternelle dans laquelle M. d’Anthès leur avait réservé une habitation. C’est là que naquit, le 19 octobre de la même année, leur fille aînée, Mathilde-Eugénie.
Georges de Heeckeren aimait profondément sa femme et lui témoignait une affection et une confiance dont ses enfants ont gardé les témoignages oraux et écrits. Quelques courtes lettres écrites par lui à sa fiancée pendant les semaines qui ont précédé leur union, billets comme peuvent en échanger deux jeunes gens épris l’un de l’autre qui se rencontrent journellement dans la même ville, montrent le développement d’un amour dont la sincérité réciproque met à néant les calomnies qui ont essayé d’en travestir le caractère.
Du reste Catherine Gontcharoff méritait en tous points un sentiment aussi vif. Elle était grande et élancée. Ses yeux bruns légèrement voilés
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par la myopie animaient un visage à l’ovale allongé, au teint mat. Son sourire montrait des dents admirables. Une démarche élégante, des épaules tombantes, de belles mains faisaient d’elle au physique une femme charmante. Son mari, ses parents, ses amis, tous ceux qui l’ont connue, ont laissé sur ses qualités morales des témoignages qui la peignent comme une épouse accomplie, une mère passionnée.
Au reste, c’est dans cette double affection qu’elle portait à son mari et à ses enfants que peut se résumer l’histoire des années heureuses qu’elle passa en Alsace.
La vie était simple dans la grande et vieille maison que possédait dans la petite ville de Soultz, près de Colmar, son beau-père, le baron d’Anthès. Il y était entouré d’une famille nombreuse, fils ou filles non mariées, parents recueillis par lui après la chute de Charles X. Le bâtiment avec ses toits élevés, à la mode du pays, couronnés par un nid de cigognes, ses pièces spacieuses meublées sans luxe, son escalier en pierre rose des Vosges, avait le caractère propre aux maisons alsaciennes de la classe aisée. Plutôt maison de ville que château, elle rejoignait par une grande cour transformée depuis en jardin, une ferme qui était le centre de l’exploitation agricole et vinicole des propriétés de la famille. Une aile en retour construite au XVIII siècle avait été réservée au jeune ménage. Il pouvait y mener une existence séparée, à l’écart des discussions politiques ou des querelles de clocher qui passionnaient parfois, sans le troubler réellement, un petit monde provincial, groupé autour d’un chef de famille autoritaire et très attaché aux idées d’autrefois.
Dans la correspondance que Catherine de Heeckeren échange avec sa mère, avec les siens, lettres dont les archives de Soultz conservent les réponses, on devine à chaque page que, si la jeune femme continue à s’intéresser à ses frères et à ses soeurs, sans arrière-pensée, elle ne vit plus que pour ceux qui l’entourent, pour son mari qu’elle aime, pour ses filles dont elle suit pas à pas le développement physique et moral.
Le Baron de Heeckeren qui, dans les premiers mois de 1842, avait quitté le poste de Ministre à Pétersbourg1) pour la même situation auprès de la cour de Vienne, se mêlait à la vie du jeune ménage par de nombreux témoignages d’intérêt. Catherine de Heeckeren ayant pris plaisir à
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visiter une propriété située dans la vallée de Massevaux proche de Soultz et placée sur un des contreforts des Vosges avec une vue magnifique, il s’empressa de faire l’acquisition de cette petite terre du Schimmel, d’y installer une maison simple et de l’offrir à ses enfants pour qu’ils puissent y vivre en toute intimité pendant les mois d’été. Il les invita à passer quelques mois à Vienne auprès de lui, en 1842, avec leurs trois petites filles1). Un portrait à l’aquarelle, dont une copie fut envoyée par le Baron de Heeckeren-Beverwaert à Madame Gontcharoff à Polotniany Zavod, sa propriété, les représente groupés gracieusement dans un grand fauteuil. Il y est encore conservé2).
Ce voyage à Vienne, de rares excursions à Baden-Baden, où Georges de Heeckeren retrouvait quelques camarades et des amis de St.-Pétersbourg et d’où Jean Gontcharoff, son beau-frère, vint faire une visite à sa soeur à Soultz, un voyage à Paris (1838), pendant lequel fut peinte une miniature, un des deux portraits de Catherine faits durant son mariage, les étés passés au Schimmel sont, avec la naissance de trois filles3), les évènements notables d’une vie familiale toute d’intimité et de confiance mutuelle.
Mais le rêve de Catherine ne devait être réalisé que le jour où elle aurait donné un fils à son mari.
Une dernière grossesse lui apporta cet espoir. Quoique ayant gardé la foi orthodoxe, elle fréquentait les églises catholiques romaines et en suivait avec assiduité les offices. De cette époque est resté le souvenir de pélerinages qu’elle faisait avec humilité, les pieds nus, selon la coutume du pays, à une petite chapelle du voisinage qui abrite une Vierge miraculeuse. Ses voeux furent exaucés. Le 22 septembre 1843 elle donnait le jour à un fils, Louis Joseph Georges Charles Maurice. Mais quelques semaines plus tard, une fièvre puerpérale, dont la gravité ne laissa de suite que peu d’espoir, emporta cette femme d’élite.
Elle fit en toute conscience le sacrifice de sa vie. Pas une plainte ne s’échappa de ses lèvres pendant ces jours d’agonie; ses seules paroles furent des prières pour remercier le ciel des heures de joie qu’il lui avait accordées depuis son mariage.
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Elle mourut le 15 octobre 1843 et fut inhumée dans le cimetière de Soultz, dans la sépulture de la famille.
Quelques lettres écrites par le docteur West, le médecin qui la soignait et qui était l’ami d’enfance de son mari, tenaient presque chaque jour le baron de Heeckeren, alors à Vienne, au courant d’une maladie dont l’issue fatale était inévitable. Elles retracent avec une réalité poignante les angoisses des siens et montrent l’affection et le dévouement que la Baronne de Heeckeren avait su inspirer à ceux qui l’entouraient.
La douleur de son mari fut profonde. Il restait veuf à trente ans avec quatre enfants, dont l’aîné avait six ans à peine. Le souvenir de la femme qu’il avait aimée ne le quitta jamais. Dans les brillantes situations qu’il occupa dans la suite, il refusa toujours de se remarier.
Ses enfants et petits-enfants ont gardé le souvenir des termes dans lesquels il parlait sans cesse de celle qui lui avait apporté le bonheur conjugal le plus complet.
La mort de Catherine Gontcharoff ne vint pas interrompre les relations de Georges de Heeckeren avec la Russie. Il semble même, d’après les correspondances échangées, qu’elles soient devenues plus étroites. Madame Gontcharoff, sa belle-mère, lui témoigne dans de longues lettres l’affection et la confiance. Elle suit avec un vif intérêt l’éducation et le développement de ses petits enfants. Elle projette même un voyage en Alsace que le mauvais état de sa santé ne lui permet pas de réaliser.
Après sa mort Georges de Heeckeren reçut à plusieurs reprises ses neveux à Soultz et ses filles entretinrent des rapports très affectueux avec leurs cousines germaines.
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Un homme de l’âge de Georges de Heeckeren ne pouvait rester inoccupé. Le besoin d’activité qui était le fond de sa nature allait être un dérivatif à sa douleur, et, comme ses enfants avaient trouvé auprès de ses soeurs non mariées les soins maternels les plus dévoués, il entra bientot dans la carrière politique comme il était de tradition dans sa famille.
En 1845 il devenait membre du Conseil général du Haut-Rhin; le 28 avril 1848 il était élu représentant du peuple à l’Assemblée Nationale et était réélu le 13 mai 1849 à l’Assemblés Constituante avec 34.004 suffrages.
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Esprit clair, dévoué à ses amis, il se mit bientôt au premier rang: nommé aux fonctions de secrétaire dans les diverses assemblées qui se succédèrent au Palais-Bourbon de 1848 à 1851, il eut une réelle influence sur ses collègues. En 1848 (1 mai), lors de l’envahissement de la Chambre par le peuple, il sauva la vie d’un huissier en le couvrant de son corps. Une lithographie du peintre Bonhomé, dit le Forgeron, retrace cette scène historique avec ses incidents divers: l’acte de courage du Représentant du Haut-Rhin y est figuré au premier plan. Causeur brillant et spirituel, il fréquentait assidûment les salons de Monsieur Thiers1), de la Princesse de Lieven2), de M-me Kalergis3).
En 1850, malgré les attaches légitimistes de sa famille, il se ralliait à la personne du Prince Louis-Napoléon, estimant que son pays ne retrouverait la tranquillité que sous un gouverhement fort. Et c’est ainsi qu’il compta parmi les hommes politiques qui formèrent le Comité dit de la rue de Poitiers et préparèrent l’avènement du régime impérial.
Dans une circonstance importante, le Prince-Président constata qu’il pouvait compter sur le tact et l’intelligence du Baron de Heeckeren. Chargé en mai 1852 par Louis Napoléon d’une mission secréte auprès des cours de Vienne, de Berlin et de St.-Pétersbourg, il devait rapporter à Paris l’assurance que l’élévation du Prince-Président à l’Empire serait acceptée par les cours du Nord.
Accueilli favorablement à Vienne, puis à Berlin, il fut reçu en audience particulière par les souverains des deux pays. C’est dans cette dernière ville également que, le 22 mai, il remplit la même mission auprès de l’Empereur Nicolas qui était en visite chez son beau-frère, le roi de
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Prusse. Le Tsar lui témoigna une grande bienveillance, lui rappela son service dans l’armée russe et lui permit de lui exprimer en toute franchise les voeux et les espérances du Prince Louis Napoléon1).
Un siège de sénateur2) vint récompenser en 1852 le succès de cette mission. Le baron de Heeckeren entrait dans cette haute assemblée à peine âgé de quarante ans et s’y trouvait le plus jeune de ses collègues. Toujours fidèle à la politique de l’Empereur, bien qu’il fut en 1859 peu partisan de l’action française en Italie, il eut souvent l’occasion d’intervenir dans les débats, soit à propos des grandes questions extérieures3), soit pour soutenir les intérêts alsaciens, en obtenant des pouvoirs publics la construction de lignes de chemin de fer nécessaires au développement de l’industrie des vallées du Haut-Rhin. Par ses relations dans le monde diplomatique4), par les informations sur les cours étrangères qu’il recevait du Baron de Heeckeren Ministre des Pays-Bas à Vienne, il fut en diverses circonstances mêlé à des négociations délicates5). A la fin de l’Empire, la situation politique du Baron de Heeckeren était considérable: Président du Conseil général du Haut-Rhin, maire de Soultz, il avait été nommé officier de la Légion d’honneur le 12 août 1863 et promu au rade de commandeur de l’Ordre le 14 août 1868. Il n’a pas écrit de mémoires et il n’a laissé aucune note se rapportant à sa carrière politique6).
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Il faut rappeler enfin que son sens pratique des réalités le servirent de la façon la plus heureuse dans le mouvement financier qui marqua les années prospères du second Empire; grâce à son intimité avec les frères Péreire, il fut parmi les premiers administrateurs de quelquesunes des Banques de Crédit, des Compagnies de Chemin de fer étrangers ou de transports maritimes, des Sociétés industrielles ou d’assurances qui se formèrent en France de 1850 à 1870.
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Une des soeurs du Baron de Heeckeren non mariée, Mademoiselle Adèle d’Anthès, avait accepté la tâche d’élever les quatre enfants en bas âge que Catherine Gontcharoff avait laissés en mourant à son mari. Avec un dévouement parfait elle donna à ses nièces éducation qu’elles auraient reçue de celle dont, au dire des contemporains, elles avaient hérité quelques-unes des qualités physiques ou morales et, en particulier, cette grâce naturelle qui est un des charmes de la race slave.
Les filles du Baron de Heeckeren1) furent, dès leur entrée dans le monde fort remarquées. L’Impératrice Eugénie daigna leur témoigner sa bienveillance en s’intéressant d’un façon toute maternelle à leur établissement. Elle les admit à la faveur de l’intimité des Tuileries et des séjours de la Cour en automne à Compiègne ou à Fontainebleau2).
En 1861, l’ainée, Mathilde Eugénie épousa3) le général de brigade Jean-Louis Metman, Commandeur de la Légion d’Honneur qui, pendant la
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Æîðæú Äàíòåñú áàðîíú äå-Ãåêêåðåíú.
(Ñú ïîðòðåòà ðàáîòû Êàðîëþñú Äþðàíà. Ïàðèæú, 1878 ã. Ñîáñòâåííîñòü
ã-íà Ëóè Ìåòìàíà).
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campagne d’Italie, avait commandé un des régiments de la garde impériale dont la résistance assura la victoire de Magenta1). Elle mourut à Paris le 29 janvier 1893.
En 1864, le baron de Heeckeren maria sa seconde fille Berthe Joséphine (1839—1908) à Edouard, comte Vandal (1813—1889), Conseiller d’Etat, Directeur général des Postes, Commandeur de la Légion d’Honneur, qui a laissé un nom considéré dans l’administration française2). La comtesse Vandal mourut à Argentan le 17 avril 19083). Sa soeur, Léonie Charlotte, restée célibataire, mourut à Paris le 30 juin 1888.
Louis Joseph Maurice Charles Georges de Heeckeren d’Anthés, son fils, joignait à ses qualités physiques un courage et une énergie extraordinaires.
Après un premier voyage au Chili, il s’engage à vingt ans, part pour le Mexique et y fait campagne comme officier de 1863 à 1867. Il revient en France grièvement blessé et porté à l’ordre du jour de l’armée pour un fait de guerre et qui est consigné dans l’histoire de l’Expédition du Mexique sous le nom de l’affaire de Cautitlan.
Le jour même de la déclaration de guerre à la Prusse (juillet 1870), il s’engagea comme simple soldat dans un régiment de chasseurs à cheval et prit part à tous les combats et batailles sous Metz. Après Gravelotte, il fut porté à l’ordre du jour de l’armée et décoré de la Légion d’Honneur. Il était maréchal des logis.
Pour ne pas subir les conséquences de la reddition de Metz, il prit un déguisement de paysan et grâce à sa connaissance de l’allemand, arriva à franchir les lignes prussiennes, non sans avoir été arrêté deux fois.
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Parvenu à Tours, il vint se mettre à la disposition du Gouvernement de la Défense Nationale. Renvoyé comme lieutenant dans un régiment de chasseurs, il fit à ce titre la campagne de la Loire, puis celle de l’Est dans le 24-e corps.
Nommé capitaine sur le champ de bataille de Villersexel, il suivit l’armée de l’Est dans sa retraite, mais après que ses hommes eurent passé sur le territoire suisse, il se rejeta en France. Lorsqu’il arriva à Bordeaux, la guerre était finie et sa carrière militaire terminée1).
Douze ans plus tard, le 11 janvier 1883, il épousa à Soultz2) Marie Louise Victoire Emilie de Schauenbourg-Luxembourg, née à Oberkirch (Grand Duché de Baden) et qui appartenait à une ancienne famille de la noblesse du Grand-Duché de Baden dont une branche avait longtemps habité l’Alsace.
La chute du régime impérial termina en 1870 la vie politique du Baron de Heeckeren. Il avait opté pour la nationalité française en exécution de l’article du traité de Francfort qui laissait aux Alsaciens le droit de choisir leur nationalité.
Il partagea dès lors son existence entre l’Alsace, Soultz dont il avait fait à la mort de son père, en 1852, une habitation plus confortable, entourée d’un vaste jardin, le Schimmel et Paris.
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Un portrait de Carolus Duran, daté de 1878, l’une des meilleures oeuvres de l’artiste, représente le Baron de Heeckeren dans la verdeur d’une vieillesse qui, malgré les cruelles attaques de la goutte, avait conservé à son intelligence toute sa netteté.
Assis carrément dans un fauteuil, tenant d’une main tombante un cigare encore allumé, il se présente de face avec le port de tête un peu hautain qui lui était familier et que l’on retrouve dans un petit portrait fait de lui à Saint-Pétersbourg en uniforme de Chevalier-garde.
Les cheveux d’un blanc d’argent rejetés en arrière, de longues moustaches et une épaisse barbiche entourent un visage énergique, aux traits largement modelés, au teint clair. Les yeux d’un bleu foncé regardent droit avec une intensité qui était un des caractères de cette figure originale et achèvent la vivante image du Baron de Heeckeren dans les vingt dernières années de sa vie.
En 1875, le Baron de Heeckeren-Beverwaert vint se retirer à Paris, auprès de ses enfants, après soixante ans de service actif. Il quittait le poste deVienne où il remplissait depuis 1842 le poste de ministre des Pays Bas et où, depuis longtemps, il était le doyen du corps diplomatique.
Jusqu’à sa mort, survenue le 27 septembre 1884 (il avait près de 89 ans), il garda son intelligence déliée, son esprit mordant. Pour ses petits-enfants qui l’avaient toujours connu à peine marqué par les ans, il était facile de retrouver dans cet octogénaire aux manières courtoises, le diplomate qui avait été à St.-Pétersbourg et à Vienne le collègue du comte de Nesselrode, du prince de Metternich, du Prince de Schwartzenberg, du comte Buol, ces inspirateurs de la politique européenne du XIX siècle.
Georges Charles d’Anthès, baron de Heeckeren, survécut neuf années encore à son père adoptif. Il mourut, à l’âge de 83 ans, à Soultz (Haute-Alsace) le 2 novembre 1895, dans la maison familiale, entouré de sesenfants, de ses petits-enfants et arrière-petits-enfants1).
Louis Metman.
Paris. 5 février 1912.
ÑíîñêèÑíîñêè ê ñòð. 290
1) Dans les villes de la région du Rhin le titre de Consul était porté par les magistrats municipaux qui remplissaient des fonctions analogues à celles de maire ou de bourgmestre.
Ñíîñêè ê ñòð. 291
1) Acte de baptème de Joseph Conrad d’Anthès: 8 mai 1773.
Parrain: Béat-Conrad-Philippe-Frédéric, Baron de Reuttner de Weyl, chevalier de l’Ordre Teutonique, coadjuteur et grand capitulaire du Bailliage d’Alsace et Bourgogne, Commandeur de Mainau, coadjuteur du Bailliage de Hesse, Conseiller intime de l’ordre Teutonique près le prince Charles de Lorraine.
Marraine: Marie-Anne-Elisbeth, Baronne Reich, née d’Anthès (Archives paroissiales de Soultz).
2) Fille de Frédéric, comte de Wartensleben et de Frédérique Caroline Rhingrave de Grumbach. (Voir les Mémoires de la Baronne d’Oberkirch, 2 vol., Paris, Charpentier éd., p. 35, vol. I). Le comte de Wartensleben dont il est parlé dans le même volume, p. 373, était né en 1756. Il était le frère unique de la comtesse de Hatzfeldt et avait été sous Louis XVI au service de la France comme lieutenant-colonel au régiment d’Anhalt.
Ñíîñêè ê ñòð. 292
1) Le comte Godefroid de Waldner de Freundstein était né au château de Schweighausen (Haute-Alsace) le 26 février 1757. Veuf en premières noces (1782) de Wilhelmine comtesse de Marschall, il épousa l’année suivante Frédérique de Stein-Nordheim qui mourut le 7 novembre 1797. De ce mariage sont nés ses huit enfants qui ont formé sa descendance actuelle. De son union avec la comtesse de Hatzfeldt il n’eut pas d’enfants. Il mourut à Ollviller le 4 octobre 1818.
2) Mémoires de la baronne d’Oberkirch, vol. I, chap. I à V et passim. Voir aussi Le livre d’or de la ville de Soultz en Haute Alsace, par A. Gasser, Soultz, édit. Schreyer, 1910, fasc. II, pp. 369 et 384—385.
Ñíîñêè ê ñòð. 293
1) Voir Sitzmann, Dictionnaire biographique des hommes célèbres de l’Alsace.
Ñíîñêè ê ñòð. 294
1) Les détails généalogiques qui précèdent sont nécessaires pour réfuter l’allégation d’historiens mal informés qui, sans aucune preuve, ont présenté Georges Charles d’Anthès comme le fils naturel du Baron de Heeckeren, dont il devait prendre le nom en 1836. (Voir article: «Pouchkine» dans les premières éditions du Dictionnaire des Contemporains de Vapereau, article rectifié dans les éditions suivantes).
2) Elle était la soeur de la comtesse de Wartensleben, grand’ mère maternelle de Georges d’Anthès.
Ñíîñêè ê ñòð. 295
1) Mémoires d’un Royaliste par le comte de Falloux, de l’Académie Française. 2 vol. Paris, librairie académique Didier-Perrin & Cie 1882. Voir vol. I, chap. IV, p. 132.
2) La mère du baron de Heeckeren-Beverwaert était née comtesse de Nassau.
3) Un portrait de Monseigneur de Rohan conservé à Soultz et quelques livres de piété avec dédicace rappellent le souvenir de cette amitié.
Ñíîñêè ê ñòð. 296
1) Alphonse Lothaire Baron d’Anthès né à Soultz, le 10 juillet 1813. Il resta célibataire et habita jusqu’à sa mort l’aile de la maison d’Anthès qui avait été occupé par le baron et la baronne de Heeckeren à leur retour de Russie. Conseiller Général du Haut-Rhin, chevalier de la Légion d’Honneur, il mourut à Soultz le 28 septembre 1884.
2) Lorsque Georges d’Anthès, baron de Heeckeren fut rentré en France, il s’occupa de régulariser sa situation au regard de la loi française. Une ordonnance royale du 1 avril 1841 l’autorise à porter le nom de Heeckeren avec le titre de baron.
Ñíîñêè ê ñòð. 297
1) Catherine Gontcharoff était née à Moscou en 1808. Elle était la fille aînée de Nicolas Gontcharoff et de Nathalie Zagriajski. Elle faisait partie des demoiselles d’honneur de l’Impératrice. La comtesse Vandal, sa seconde fille, possédait le chiffre en diamants, insigne de sa charge.
2) La Comtesse de Nesselrode était la femme du Comte de Nesselrode, plus tard Chancelier de l’Empereur de Russie (1760—1856). Voir Mémoires d’un Royaliste, ouvr. cité., vol. I, p. 127.
Ñíîñêè ê ñòð. 298
1) Mémoires du Royaliste par le Cte de Falloux, ouv. cité, vol. I, chap. IV et V. Le récit du duel donné par le Comte de Falloux est identique à celui qu’en faisait Georges de Heeckeren.
Ñíîñêè ê ñòð. 299
1) Lettres et papiers du Chancelier comte de Nesselrode (1760—1856) extraits de ses archives et publiés par le comte de Nesselrode, Paris, Lahure, tome VIII, p. 171—172.
Ñíîñêè ê ñòð. 300
1) Lettres du Comte et de la Comtesse de Ficquelmont à la Contesse de Tiesenhausen, publiées par F. de Jonis, Paris, 1911, pp. 35 et 298.
2) Polotniany Zavod, par A. Srédine, Staryé Gody, sept. 1910.
3) Mathilde Eugénie née à Soultz le 19 octobre 1837.
Berthe Joséphine née à Soultz le 5 avril 1839.
Léonie Charlotte née à Soultz le 3 avril 1840.
Ñíîñêè ê ñòð. 302
1) Mémoires d’un Royaliste par le Cte de Falloux, ouvr. cit., vol. II, p. 160. Marquis Philippe de Massa, Souvenirs & Impressions 1840—1871, Paris. Calmann-Lévy éditeur, 1897, p. 31. M. de Falloux rapporte cet incident d’une façon différente, p. 319 de l’ouvrage déja cité.
2) La Princesse de Lieven, née Benckendorff (1784—1857), femme du général de Lieven, ambassadeur de Russie à Berlin et à Londres, se fixa à Paris à la mort de son mari et y eut à partir de 1836 un salon politique très recherché. Guizot lui était attaché par une fidèle affection.
3) Madame Kalergis, née Marie de Nesselrode (1823—1874) remariée en 1865 à M. Mouchanoff. Elle eut à Paris dans les premières années de l’Empire un salon fréquenté par les artistes, les littérateurs, les musiciens. Théophile Gautier lui avait dédié en hommage à son éclatante beauté une des pièces les plus célèbres de son recueil «Emaux & Camées»: La Symphonie en blanc majeur. Madame Kalergis était la nièce du comte Ch. de Nesselrode et était alliée par la famille de son père aux Hatzfeldt. Cf.: Marie Mouchanoff-Kalergis in Briefen an ihre Tochter, herausgegeben von la Mara: Breitkopf und Härtel, Leipzig. 1907.
Ñíîñêè ê ñòð. 303
1) Souvenirs du Second Empire par A. Granier de Cassagnac, 2 vol. Dentu éditeur, Paris, 1881, 2-e partie, pp. 121—133.
Lettres et papiers du Chancelier Comte de Nesselrode, ouvr. cité, vol. X, pp. 204 & 205. Lettres du comte de Nesselrode au Baron de Meyendorff.
2) L’Empereur nommait directement les membres du Sénat. Ils étaient inamovibles et jouissaient d’un traitement annuel de trente mille francs.
3) Lettres de Prosper Mérimée à Panizzi, 2 vol., Paris. 1881, tome I, pp. 178—180, lettre du 28 février 1861: «Après H. de la Rochejaquelein est venu M. Heeckeren, celui qui a tué Pouchkine. C’est un homme athlétique, avec l’ac-cent germanique, l’air bourru, mais fin, bon homme très russé je ne sais s’il avait fait son discours, mais il l’a merveilleusement dit et avec une violence soutenue qui a fait impression...»
4) Le Ministre de Prusse à Paris, pendant les premières années de l’Empire, le comte de Hatzfeldt était l’oncle du Baron de Heeckeren (V. Erinnerungen aus meinem Berufsleben, 1849 bis 1867, von Freiherrn von Löe, Deutsche Verlags-Anstalt, Stuttgart. 1906).
5) Souvenirs du Second Empire par H. Granier de Cassagnac. Ouvr. cité, vol. II, pp. 132—133.
6) Il a paru en 1909—1910 trois volumes intitulés: «Les mémoires du baron d’Ambès» (Cocuault édit. Paris) dans lesquels on a cru reconnaitre la personnalité du baron d’Anthès de Heeckeren. Une note de l’éditeur imprimée en tête du troisième volume établit que ces mémoires lui sont totalement étrangers.
Ñíîñêè ê ñòð. 304
1) Le peintre hongrois Horowitz a peint vers 1862 les 3 filles du baron de Heeckeren dans tout l’éclat de leur jeunesse.
2) Marquis P. de Massa. Souvenirs et Impressions (1840—1871), ouvr. cité, p. 150.
3) De ce mariage sont nés:
1° — Marie Louis Metman, né à Arras le 27 juin 1862, Conservateur du Musée des Arts Décoratifs, marié à Paris le 4 février 1890 à Marie Thérèse Martin du Nord.
Enfants:
I
—
Charles Marie Bernard, né à Paris le 29 octobre 1890.
II
—
Marie Lucie Mathilde, née au Schimmel (Haute-Alsace) le 23 août 1894.
III
—
Marie Charles René Claude, né à Paris le 9 novembre 1895.
2° — Marie Frėdéric Charles, officier de cavalerie né à Paris le 16 avril 1866
3° — Marie Jules Henri, né à Paris le 14 mars 1869.
Ñíîñêè ê ñòð. 305
1) Le Comte d’Hérisson, Journal de la Campagne d’Italie 1859. Paul Ollendorf éditeur, 1889, Paris, pp. 43 & suivantes.
2) Mes amis. Souvenirs par L. de la Brière. Paris. Kolb édit. — Souvenir & Impressions par le Marquis P. de Massa, ouvr. cité, p. 345.
3) D’un premier mariage avec Mlle de Naives, le comte Vandal avait eu un fils, Albert, comte Vandal, historien français, membre de l’Académie Française.
De son mariage avec Mlle Berthe de Heeckeren est né:
Marie Edouard Comte Vandal, né à Paris le 1 janvier 1866, marié en février 1893 à Mathilde Brady. Mariage cassé en cour de Rome. Il épouse en secondes noces le 28 janvier 1901 Marie Madeleine Mathilde de Pillot de Coligny-Chatillon.
Enfants:
I
—
Berthe Marie Agnès née à Argentan le 21 décembre 1901.
II
—
Marie Magdeleine Christiane née à Argentan le 17 septembre 1903.
III
—
Marie Laurence Henriette Renée née à Argentan le 3 février 1906.
Ñíîñêè ê ñòð. 306
1) Arthur Meyer, Ce que mes yeux ont vu, Plon-Nourrit édit., Paris 1911, pp. 217—218.
2) De ce mariage sont nés:
1° — Georges Marie Alphonse François Xavier Louis Maurice de Heeckeren d’Anthès né à Soultz le 19 févrienr 1884, marié à Paris le 13 octobre 1908 à Marguerite Luz Renée Cousino.
Enfant:
Georges Marie Louis Albert Maurice, né à Soultz le 7 octobre 1911.
2° — Catherine Marie Mathilde Léonie, née à Soultz le 11 mai 1885, mariée à Versailles, le 15 janvier 1908, à Jean Baptiste Edouard Paul Firino, né à Paris le 20 juin 1885.
Enfant:
Mathilde, Marie, Pauline, née à Versailles le 31 janvier 1909.
3° — Lothaire Marie Jean Philippe né à Soultz de 29 octobre 1888.
4° — Marc Henri Marie Michel né à Soultz le 5 septembre 1891 mort à Fribourg en Brisgau le 20 aout 1896.
5° — Gilles Bonabes Henri Marie né à Soultz le 18 septembre 1898.
6° — Jacques Marie Michel, né à Cognac le 1r juillet 1911.
En ce qui concerne Soultz, voir Le livre d’or de la ville de Soultz en Haute Alsace, par A. Gasser, édit. Schreyer, 1910, fasc. II, p. 410.
Ñíîñêè ê ñòð. 307
1) Le baron Georges de Heeckeren d’Anthès, son fils, est mort à Versailles le 27 septembre 1902. Il avait dû quitter momentanément l’Alsace pour conserver à ses fils, nés à Soultz, la nationalité française. La propriété de Soultz est actuellement entre les mains de sa veuve, la Baronne de Heeckeren d’Anthès, née Schauenbourg-Luxembourg.