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Soultz, Haut-Rhin, 21 Décembre 1833.

Vorte Excellence,

Je ne puis assez vous témoigner toute ma reconnaissance pour toutes les bontés, que vous avez pour mon fils, j’espére qu’il s’en rendra digne.

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La lettre de votre Excellence m’a tout à fait tranquillisé, car je ne vous cache pas que j’ai été inquiet sur son sort. Avec son caractère franc et son laisser-aller, je craignais qu’il ne fit de connaissances qui puissent lui nuir; mais grâce à votre bonté et à vous qui avez bien voulu le prendre sous votre protection et le traiter en ami, je suis tranquille. J’espère que son examen se passera bien, ayant été recu à St. Cyr avec le numéro 4 (sur 180 élèves qui ont été reçus avec lui). Grâce à vos bontés et à celles de ses protecteurs, j’espère qu’il sera reçu officier. —

J’accepte avec reconnaissance la proposition, que Son Excellence me fait de bien vouloir subvenir aux premiers frais qu’occasionnera son équipement, vous priant d’avoir la bonté de me marquer le montant de votre débours, pour que je puisse vous le faire remettre de suite. —

La bonté de Votre Excellence m’autorise à entrer dans des détails, qui lui font voir tout ce que je puis faire dans ce moment pour mon fils. —

Je suis père de six enfants; l’ainée de mes filles est mariée, mais notre révolution de Juillet a mis son mari hors d’état de l’entretenir, quoiqu’on ménage je suis obligé d’entretenir mari et femme. Ils sont venus demeurer ici. Mon second fils achève ses études à Strasbourg, et la dernière de mes filles est en pension dans la même ville, ce qui me coûte fort cher. J’ai été obligé de recueillir chez moi ma soeur avec ses enfants; par suite de la même révolution il ne lui reste rien, étant veuve du Comte de Belle Isle, qui ne lui a laissé que des dettes; Charles X lui faisait une pension sur la liste civile de 6000 Francs qu’elle a perdue. Elle a 5 enfants. Ma fortune est à peu près de 18 à 20.000 Francs de rente1) avec beaucoup de charges. Mon fils m’a envoyé une note, par laquelle il me demande de 800 à 900 par mois, il m’est impossible de les lui donner. Outre son équipement que je lui paierai en entier, je compte lui donner 200 Francs de pension par mois, ce qui fera 100 Louis ou 2400 Francs par an, ce qui, joint à ses appointements, avec de l’économie sera suffisant, lui donnant 3 fois plus que s’il était au service de France. Cela lui apprendra à compter avec ses espèces, car le seul défaut que je connais à mon fils c’est d’aimer la dépense. Si Son Excellence cependant trouvait, qu’il n’a pas assez, je ferais un plus grand sacrifice pendant quelque temps, mais il ne me serait pas possible de le soutenir longtemps. Je demande encore pardon à Votre Excellence de ces détails, mais la lettre amicale, que vous avez eu la bonté de m’écrire et l’amitié que vous portez à mon fils m’y ont autorisé.

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Le Ministre de la Guerre lui a demandé, quelle était la pension que je lui donnais, — sans doute pour pouvoir juger dans quel corps il pouvait le mettre. Si Son Excellence voyait ce Ministre, je lui serais obligé de lui dire la somme que je lui donne par mois, et que je serais prêt à faire un sacrifice pour la Garde Impériale. —

Je prends la liberté de joindre à ma lettre une pour mon fils, qui m’a écrit que vous l’aviez autorisé à les mettre sous l’enveloppe de Votre Excellence. —

Je renouvelle à Votre Excellence toute ma reconnaissance pour les bontés que vous avez pour Georges.

J’ai l’honneur d’être avec la considération la plus distinguée

de Votre Excellence
le très humble et très obéissant serviteur
Baron d’Anthès.

Сноски

Сноски к стр. 263

1) représentée par des terres importantes.