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Баварскимъ посланникомъ въ С.-Петербургѣ въ годъ смерти Пушкина былъ графъ Лерхенфельдъ (Maximilian Reichsgraf von Lerchenfeld-Koefering; род. въ 1779, умеръ въ 1843 году)1). Онъ былъ въ пріятельскихъ отношеніяхъ съ французскимъ посломъ барономъ Барантомъ. Какъ извѣстно, Ѳ. И. Тютчевъ весьма увлекался баронессой Амаліей Максимиліановной Криденеръ, по 2-му браку графиней Адлербергъ. Эта Криденеръ была незаконной

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дочерью княжны Турнъ и Таксисъ и графа Максимиліана Лерхенфельда. Въ Библіотекѣ А. С. Пушкина оказалась книжка «Gedichte des Königs Ludwig von Bayern» съ надписью «A. Lerchenfeld». Книжка идетъ, конечно, изъ этой семьи Лерхенфельдовъ и можетъ свидѣтельствовать о знакомствѣ Пушкина съ ними1).

Графъ Лерхенфельдъ отправилъ цѣлое донесеніе о дуэли и смерти Пушкина и упоминалъ о немъ въ двухъ послѣдовавшихъ рапортахъ.

I.

St.-Pétersbourg, le 10 Février 1837.

Sire,

La Russie vient de perdre l’homme le plus marquant de sa littérature, le plus célèbre Poète qu’elle ait eu, Mr. Alexandre Pouschkin.

Il est mort à l’âge de 37 ans, au plus beau moment de sa carrière, à la suite d’une blessure grave qu’il avait reçue en duel.

Les détails de cette catastrophe, que le défunt a malheureusement amenée lui-même avec un aveuglement et une sorte de haine frénétique digne de l’origine mauresque dont Mr. Pouschkin descendait, font depuis quelques jours l’unique sujet de conversation de la capitale. Il s’est battu avec son propre beau-frère Mr. Georges de Heeckeren, fils adoptif du B-n Heeckeren, Ministre d’Hollande, français de naissance, qui portait précédemment le nom de d’Antés, était officier au «chevaliers gardes», et avait épousé depuis peu la soeur de M-me Pouschkin.

Malgré cette proche parenté, et la loyauté de conduite, qu’avait tenue Mr. de Heeckeren en épousant cette jeune personne, des lettres anonymes écrites dans le sens le plus méchant, avaient blessé l’amour propre du Poète au point de le rendre inaccessible aux preuves les plus évidentes de l’innocence de sa femme, et à sa propre conviction, et il n’a trouvé de repos qu’après avoir provoqué son beau-frère, et l’avoir forcé au combat, qui a mis fin à ses jours.

L’Empereur a fait son possible pour adoucir encore les derniers moments de cet homme marquant, dont Sa Majesté blâmait les principes,

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mais honorait le talent. Il lui a écrit la veille de sa mort quelques mots de Sa propre main pour le rassurer sur le sort de sa femme et de ses enfants, et pour l’engager d’employer le peu de jours que la Providence semblait lui accorder pour s’occuper des devoirs de la religion et se préparer à mourir en chrétien.

De même, l’Empereur a chargé Mr. Joukovsky, l’ancien précepteur du Grand-Duc Héritier, un ami du défunt, d’examiner ses papiers, et de brûler tous les écrits qui pourraient compromettre la mémoire de Mr. Pouschkin, comme datant de sa jeunesse, ou celui-ci s’était adonné à des idées exagérées et révolutionnaires.

Pour la littérature russe, la mort de Mr. Pouschkin est une perte réelle. On le nommait le Byron de la Russie, celui de ses écrivains qui avait le plus fait pour épurer et fixer la langue russe comme langue poétique. Aussi remarque-t-on une consternation générale, et même une tendance de faux esprit national, plus forte que de coutume, qui ne se borne point à de justes regrets, mais en veut à l’adversaire en sa qualité d’étranger, et demande qu’il soit puni avec rigueur.

En dernier lieu Mr. Pouschkin avait été chargé par l’Empereur d’écrire l’histoire de Pierre le Grand, et il dirigeait la rédaction d’un journal littéraire «le Contemporain».

Le 13 Février.

Je reviens à l’instant même de l’enterrement de Mr. Pouschkin, qui a été remarquable par 1’affluence du monde de toutes les classes qui s’y était rassemblé. A la suite de la parenté du défunt qui d’après le rite grec s’approche du corps pour en prendre congé avant qu’on ferme la bière, tous les amis, et une quantité d’autres personnes se sont pressées en sanglotant autour du Catafalque et ont prolongé cette scène de congé, comme un dernier hommage à rendre au talent qui venait d’être enlevé à sa patrie.

Sa Majesté l’Empereur a déjà réalisé la promesse faite à Mr. Pouschkin avant sa mort. Il a accordé 5000 Roubles de pension à la veuve, 6000 pour l’entretien des enfants, il a fait rayer sur les livres de la banque les sommes pour lesquelles une terre du défunt avait été engagée, a ordonné qu’on payât toutes les autres dettes qu’il pouvait avoir laissées, et fait publier aux frais de la Couronne une belle édition «Pracht-Ausgabe», des oeuvres de Mr. Pouschhin, en consacrant le produit de la vente au profit de la veuve et des enfants.

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Monsieur d’Archiac Attaché à l’Ambassade de Françe, qui a servi de témoin à Mr. de Heeckeren, part demain pour Paris.

Je suis avec le plus profond respect

Sire

de Votre Majesté

          le très humble et respectueux serviteur

et fidèle Sujet

(signé:) Lerchenfeld.

II.

Extrait

du rapport du 5 Avril 1837.

Le Baron Heeckeren a reçu de sa Cour la permission de quitter St.-Pétersbourg, en conservant la moitié de ses appointements. Il se mettra en route dès l’arrivée de Mr. Gevers qui revient ici comme Chargé d’affaires.

En attendant l’affaire de son fils adoptif a été jugée. Il a été privé de ses droits de rang et de noblesse, et dégradé au rang de simple soldat. Mais en même temps l’Empereur a rendu cette condamnation moins sensible pour Mr. de Heeckeren en ordonnant qu’il fût de suite expulsé de l’Empire, et mis à la frontière. Le jour même donc, ou la sentence fut publiée par l’ordre du jour, un Feldjaeger s’est présenté chez Mr. de Heeckeren, l’a placé sur un traineau découvert, et transporté jusqu’à la frontière.

III.

Extrait

du rapport du 15 Avril 1837.

Monsieur de Heeckeren, le Ministre d’Hollande, est parti d’ici avant-hier, après avoir éprouvé la mortification de n’avoir plus eu d’audiences de Leurs Majestés Impériales, et d’avoir reçu dès à présent la boite de congé malgré qu’il n’eût pas remis les lettres de récréances et qu’il eût formellement annoncé au Comte Nesselrode, que Sa Majesté le Roi des Pays-Bas ne l’avait pas encore rappelé du poste d’ici, mais lui avait seulement accordé un congé indéfini.

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Pour cette raison l’envoi de la tabatière joint au refus des audiences d’usage fut un véritable affront pour Mr. de Heeckeren, qui doit avoir été amené par quelque motif particulier dont l’Empereur s’expliquera sans doute vis à vis du Roi des Pays-Bas.

Сноски

Сноски к стр. 236

1) О Лерхенфельдѣ: Oettinger, Monuments des Dates... Lpz. 1809—1880; Остафьевскій Архивъ князей Вяземскихъ, т. III, стр. 575; Neuer Nekrolog der Deutschen, 1843, 2er Theil, Weimar. 1845, S. 1251; Souvenirs du baron de Barante, T. VI, p. 457; Chronique de Dino, t. II, p. 513; «Русскій Архивъ» 1903, кн. 3, стр. 416.

Сноски к стр. 237

1) Б. Л. Модзалевскій. Библіотека А. С. Пушкина, С.-Пб. 1910, стр. 277.