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Le 24 Juillet 1831. [Петербургъ].

Mon bon ami, je suis toujours à Pétersbourg; les quarantaines sont abolies partout, excepté pour se rendre à la terre promise, — le charmant séjour de Царское, que je suis très peu curieuse devoir au reste. Je Vous ai dit qu’on m’avait renvoyée de là en triomphe, mais depuis j’ai fait plus d’une tentative pour réjoindre mes parens; il fallait d’abord un billet du Prince Volkonsky, ensuite une autorisation pour une maison assignée par lui à Каменка, — village horrible, où on n’a rien à manger, et où on est mangé par les punaises. J’étais prête à me faire prisonnière pour la tranquillité des miens, je voulais subir cette maudite quarantaine, y rester quatorze jours dans ce paradis, mais le sort s’y oppose apparement d’une façon toute particulière. J’ai ce billet en question, je m’y suis rendue trois fois et toujours en pure perte. Il n’y a jusqu’à présent que des gens attachés à la cour, et j’ai pris le parti d’attendre la fin du choléra pour me mettre en route. Cela ne manquera pas d’arriver bientôt; la maladie tire à sa fin, et messieurs les médecins prétendent que pour le dix il n’y aura plus un seul malade.

Dourasoff a été encore chez moi sans me trouver, pour me dire qu’on l’envoyait à Novgorod, — je ne sais pour combien de temps, mais c’est toujours dans sa maison que j’enverrai les lettres. Quant aux Vôtres, adressez les chez moi, mettez là-dessus „Подателю дано будетъ“, — s’entend si ce n’est passé par poste. Cela m’arrivera plus vite.

Je suis charmée, mon bon ami, que Vous soyez en pays de connaissance, mais pas moins j’aimerais mieux que Vous soyez avec moi. Au nom du Ciel dites moi que ferez-Vous donc, quand la campagne sera finie: reviendrez-Vous ici à

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Votre Collège, ou resterez-Vous là et quand et comment tout ceci doit être décidé? — Je me propose sérieusement d’aller à Moscou, et comme de raison ne plus garder le logement après le terme échu. Si vous ne revenez pas de longtemps, il serait ridicule et déplacé de rester seule à Pétersbourg sans mari et sans parens. Pour Alexandre1) — je ne m’établierai de ma vie chez lui.

Vous avez bien fait de ne pas Vous donner trop de mouvement au sujet de Léon2): il y a plus de deux mois qu’il est transféré, et il doit être à son régiment. De grâce, informez Vous de cela, et faites lui parvenir mes lettres et dites moi, où se trouvent les dragons de Finlande.

Adieu, mon cher, je passe assez bien mon temps, et si ce n’était les chevaux de mes parens et leur ivrogne de cocher, et leur détention de quatorze jours à cause de moi, je n’aurais pas eu un moment d’inquiétude. Ma santé s’est visiblement améliorée, je deviens blanche et rose et grosse. Ce n’est plus qu’un amant qui me manque pour être gaie, comme un..... Adieu, ne faites pas attention à ces gentillesses. J’ai passé quatre jours à la Черная Рѣчка, où je me suis beaucoup amusée.

Adieu encore une fois, portez Vous bien. Mes amitiés à Votre frère et au Baron Géramb.

Помѣта Н. И. Павлищева: Lowicz, 9 Août 1831.

Сноски

Сноски к стр. 78

1) Александръ Сергѣевичъ. Ольга Сергѣевна не желала стѣснять его и Наталью Николаевну, своимъ у нихъ пребываніемъ.: „Между мужем и женой“, говорила она мнѣ, „не должно быть третьяго лица“. Л. П.

2) Л. С. Пушкинъ.