54

[8-го мая 1831 г. Петербургъ].

Je suis bien triste, mon bon ami: demain c’est Votre fête, et il y a bien longtemps que je n’ai eu de Vos nouvelles; Votre dernière lettre datée du 17 avril m’a étè envoyée par Marcoff; il ne me l’a pas apporté lui même, car il est malade au lit, le pauvre garçon, et son médecin prétend qu’il y restera longtemps, — cela me fait de la peine, mais n’allez pas croire que cela soit par bonté d’âme, par pure charité chrétienne: c’est tout bonnement par égoïsme, cet égoïsme il s’en mêle partout ou tant soit peu: Vous m’écrivez que c’est Marcoff qui me fera parvenir Vos lettres, que c’est à lui que je dois confier les miennes, et comme Vous ne me dites pas, comment et pourquoi cela, je l’attendais avec impatience pour lui en demander l’explication; mais à présent qu’il est souffrant et qu’il ne pense pas sûrement à Vous écrire et qu’il n’a pas peut être sa tête par dessus le marché, j’adresse celle-ci à Monsieur Gendre toujours, mais l’envoie par poste; j’espère qu’elle Vous parviendra de même saine et sauve. Imaginez-Vous qu’un de ces jours seulement Votre toute première lettre de Belostok m’a été remise par un postillion. Oh! la poste est bien mauvaise! Elle va comme le pélerin de S-te Lamotte — 3 pas en avant et deux en arrière — cela me vexe et me tracasse horriblement.

À propos: je viens d’écrire une grande lettre à Votre mère; j’espère qu’elle n’en sera pas fâchée, car je lui ai dit tout plein de jolies choses, et je Vous en fais part à Vous, mon bon ami, car je sais que cela Vous fera plaisir. C’est une mer à boire pour moi que d’écrire, surtout depuis quelque temps, — je ne voudrais que Vous écrire à Vous et j’en perds le courage, car jusqu’à présent, c’est à dire jusqu’au 17, Vous n’avez pas eu encore de mes nouvelles, tandis

55

que je Vous ai écrit plusieures fois au Quartier Géneral1)! Avec quelle impatience j’attends de Vos nouvelles, mon cher ami, depuis plus d’une semaine tous les jours!

Vous devez avoir reçu le tabac que je Vous ai envoyé par poste; comment Vous est’il parvenu? Que faites Vous maintenant, êtes Vous toujours à Belostok? Quant àmoi, je ne change pas de genre de vie; je vois peu de mes connaissances, pourtant j’ai été encore chez les Naoumoff, que j’ai trouvés à la maison. M-r et M-d m’ont chargés de Vous baiser la main, ce que je fais volontiers en idée et que j’aimerai même, je crois maintenant, à faire en réalité.

Le 27 avril, le jour que je reçus Votre lettre du 17 par Marcoff (faites attention comme je suis exacte), Dourasoff est venu chez moi sans me trouver; il a parlé à la fille de chambre et a prétendu qu’il n’a reçu qu’une lettre de Vous de Grodno ce jour même. — Il n’est pas revenu depuis, et je n’ai pas jugé à propos d’envoyer chez lui et le déranger dans ses occupations qui sont sûrement très sérieuses. Adieu, mon cher ami, Vous trouverez cette lettre laconique, — je n’en doute point, — mais c’est que l’idée que je n’écris que pour l’amusement des messieurs de la poste ne me met pas dutout en verve; il faut que Vous m’écriviez que Vous avez de mes nouvelles, que Vous avez au moins quatre lettres de moi, pour que je sois en train de Vous écrire beaucoup et tendrement. En attendant contentez Vous de cela et d’un baiser bien tendre non pas de la part de M-d Koucheleff, mais de ma part à moi. Que fait Votre frère à la guerre et le baron Giramb2)? Dites moi un peu cela. À propos: et Votre „Manzoni3), où en êtes Vous?

56

Envoyez moi le commencement du premier chapitre, j’enverrai le volume à la censure; Votre petit écrivain est payé, ainsi que le maître de la maison; je ne lui dois plus le sou et il a son argent d’avance; cependant m-r s’avise d’avoir des lubies, des petits caprices de jolie femme, comme, par exemple, de me défendre l’usage de son катокъ, de menacer de tuer Jeannot1), de battre mes domestiques etc. Pour ces deux derniers articles il eut une verte reprimande de mon père, qui a eu la bonté de descendre chez lui est de le chapitrer d’importance, en le menacant d’avoir recours à Monsieur Какошкинъ2), tout en lui faisant entendre raison, et le voilà de soie, grâce à papa; mais pour son катокъ pas possible de l’avoir.

Adieu encore une fois, portez Vous bien, amusez Vous, si Vous en avez l’occasion, mais prenez garde de déranger Votre santé, d’autant plus, qu’on dit le choléra être très fort dans vos environs. Ne buvez pas de vin beaucoup. Et l’herbe3), — sûrement Vous n’en prenez plus...., dites le moi franchement. Pourquoi ne voulez-Vous plus d’herbe? Quant à moi je la continue.

Mon domestique est malade, et je n’ai plus de cuisinier; j’ai cru m’en dispenser, je ne sais ce que Pierre4) a, je crains fort qu’il ne parte pour l’autre monde. Voici une raison de plus de mettre cette lettre à la poste. Лермонтовъ, Виш[невскіе?], Marie etc. — всѣ тебѣ кланяются.

Помѣта Н. И. Павлищева: Pultusk, le 13 Juin 1831, à l’adresse de M-r Gendre.

Сноски

Сноски к стр. 55

1) Главная квартира дѣйствовавшей нашей Арміи, гдѣ Н. И. Павлищевъ находился, будучи откомандированъ изъ Временнаго Правленія Царства Польскаго къ Генералъ-Интенданту Арміи. Л. П.

2) Фамилія неразборчива; вѣроятно Жерамбъ.

3) Манцони — авторъ романа „I promessi sposi“. Этотъ романъ переводилъ тогда Н. И. Павлищевъ на русскій языкъ. Л. П.

Сноски к стр. 56

1) Жанно — собачка Ольги Сергѣевны. Л. П.

2) Тогдашній С.-Петербургскій Оберъ-Полиціймейстеръ.

3) Цѣлительная травка Аверина. Л. П.

4) Камердинеръ-крѣпостной Пушкиныхъ; служилъ въ домѣ Н. И. и О. С. Павлищевыхъ. Л. П.