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Pétersbourg, ce 4 Janvier 18352).

C’est à toi, chère amie, que je dois un bon commencement de l’année. Ta lettre est venue la veille, c’était déjà celle qui se trouvait à la poste restante. Le lendemain, jour de l’an, j’ai eu le doux plaisir de recevoir deux lettres de toi, — l’une de Novorgeff et l’autre en réponse à la notre, écrite le 18 Déc. — deux jours après notre arrivée. Toute la journée je n’ai fait que les lire et relire. Comme je t’ai promis de ne te rien cacher, je te dirai que je suis arrivée malade; j’ai passé bien tristement 15 jours à l’auberge, je suis encore très faible, mais avant hier j’ai eu la

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force de déménager. Nous voilà à la Махавой, maison Кленбергъ.

Je ne vois que les personnes qui viennent chez moi et je n’ai été nulle part, pas même à l’Eglise, ce qui m’arrive pour la première fois de ma vie de ne pas entendre la messe le jour de Noël et le premier de l’an. Demain je commencerai à prendre des bains, qui me fortifieront, à ce que dit Спаской1); il promet que je pourrai sortir bientôt pour prendre l’air. Tout le monde ici est dans les fêtes jusqu’au col, Natalie sort beaucoup avec ses soeurs, elle m’a amené une fois Macha2), qui est tellement habituée a ne voir que des élégantes, qu’elle a jeté de hauts cris, en me voyant et en rentrant à la maison; on lui a demandé pourquoi elle n’a pas voulu embrasser la Grand’maman: elle a dit que j’avais un vilain bonnet et une vilaine robe. Je n’ai pas encore vu Sacha3). Enfin nous avons des nouvelles des Sontzoff, après quatre mois de silence; je ne conçois pas comment toutes leurs lettres se trouvent égarées. Ma soeur m’a chargé de te féliciter à l’occasion de la naissance de Lolo, ils attendent ta lettre avec impatience. Матвѣй Михайловичъ4) est toujours souffrant. Les médecins lui conseillent d’aller au Caucase et il le fera. Annette Woulff n’arrive pas; je n’ai pas vu Catherine Ivelitch, sa mère a été une fois chez moi. Madame Княжнинъ5) vient presque chaque jour me voir, sa fille, son gendre et l’Enfant sont à Moscou pour un mois de tems. Наталья Романовна est très malade à la suite d’une fausse couche6). Sophie Vsevolojsky7) a été chez moi, elle est

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toujours aussi bonne, aussi aimante; elle t’embrasse, et s’intéresse beaucoup à toi et à Lolo. Je désirerais bien voir les Talizines1), elles sont bien tristes: Татьяна est au désespoir, Александръ Павловичъ2) a beaucoup fait pour elle. J’ai vu les Vichenevsky — Lise, Nicolas et Степанъ. Imagines toi que les parents ont quitté Марья Гавриловна, les voilà derechef à Moscou, tirant le diable par la queue! Leur fils Théodore est avec eux, il veut entrer dans le civil. De qui te parlerai-je encore? Miss Huntter3) te salue; quand nous étions à l’hôtel Demouth elle venait me voir souvent; elle loge toujours vis à vis Madame Roste. Les Mimi4) ne m’abandonnet pas non plus. Анинка a deux filles qui font le bonheur des trois Tantes. Madame Кочетовъ a été chez moi avec Анна Петровна Малиновской qui est venue passer les fêtes avec sa fille. Madame Venevitinoff fut très contente d’apprendre que tu es mère. Maintenant tu sais, ma bonne Olga, combien les enfants nous sont chers. Je te vois d’ici dans des agitations à cause des yeux de Léon; avec les soins et les précautions que tu as prise il ne louchera pas à coup sûr, cela arrive souvent aux petits enfants; leur vue étant encore faible, le regard ne peut pas être comme celui d’une grande personne; il ne fallait pas l’exposer si tôt au grand jour, et en nourissant il faut couvrir les yeux, c’est ce que je fesais toujours, et ta bonne5) t’appelait Занавѣсная Барыня.

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Je ne sais pourquoi vous vous êtes alarmés tous les deux de ce que je dis que la séparation avec toi m’est pénible, ma bonne amie, et que j’envie le sort des mères qui sont avec leurs enfants; désirer de te voir est tout simple, mais l’exiger serait une folie, connaissant vos circonstances. Si Alexandre1) ne vous a encore rien envoyé jusqu’à présent, — ne l’en accuse pas, cela n’est ni de sa faute, ni de la nôtre; mais c’est les dettes de Léon qui nous ont mis tout à fait à sec; en engageant notre dernier bien, Alexandre a payé ce que son frère devait, et cela montait à 18 mille; il n’a pu lui donner que très peu de chose pour son voyage à Tiflis. Il attend de l’argent de Болдино dans le courant de ce mois, et ce qu’il peut faire pour vous il le fera assurement, car cela lui tient à coeur.

Voici une grande lettre, mais c’est une réponse à trois. Te voilà j’espère reconciliée avec les postes. Adieu, chère Olga, je t’embrasse bien tendrement, et fais des voeux pour ton bonheur; si j’étais condamnée à ne pas te voir pendant 14 ans, — cette seule idée me ferait mourir de chagrin.

Приписка Сергѣя Львовича: Chère Olinka, nous recevons très exactement tes lettres et comme tu l’espérais nous en avons reçu une la veille de l’an; vous ne doutez pas que je ne vous la souhaite heureuse à tous les deux. Maman ne m’a laissé presque rien à te dire quant aux nouvelles et à nos circonstances. Je ne te cache pas que l’inconséquence de Léon et son oubli de nos moyens en contractant des dettes qu’il n’aurait pu jamais payer, et pour lesquelles j’étais obligé d’engager les derniers paysans que j’avais de libres ne m’en ont donné et ne me donnent encore beaucoup de chagrins. Il a même continué de

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faire des dépenses inutiles après même qu’il savoit que c’était notre dernière ressource. Cela a mis Alexandre dans la position de ne pas pouvoir nous donner le strict nécessaire, mais bref là dessus, ce qui est fait est fait; la seule chose qui m’attriste le plus, c’est que j’étais sûr qu’Alexandre t’avait envoyé quelque chose, étant dans une parfaite ignorance du montant des dettes de Léon, que je n’ai jamais pu supposer aussi considérables. Maman t’a écrit au sujet du désir de te voir. Nous n’avons jamais songé à exiger que tu viennes et abandonne tout. Elle n’en a exprimé que le désir, ce qui est très permis. On désire très souvent l’impossible, et l’on prend patience. Adieu, je t’embrasse bien et bien tendrement, le petit Léon que je bénis, et je salue Никол. Иван. de tout mon coeur.

Сноски

Сноски к стр. 24

2) Отъ Надежды Осиповны Пушкиной.

Сноски к стр. 25

1) Докторъ, пользовавшій Александра Сергѣевича и его родителей. Л. П.

2) Старшая дочь поэта — Марья Александровна Гартунгъ.

3) Старшій его сынъ — Александръ Александровичъ.

4) Сонцовъ.

5) Рожд. княжна Хованская. Л. П.

6) Наталья Романовна Алимпьева, рожденная Цебрикова — жена извѣстнаго тогда педагога. Л. П.

7) С. Н. Всеволожская, рожденная княжна Трубецкая. Л. П.

Сноски к стр. 26

1) Дѣвицы Талызины — ея родственницы. Л. П.

2) Генералъ-адъютантъ Мансуровъ — мужъ сестры ея. Л. П.

3) Англичанка — старая наставница Александра Сергѣевича и Ольги Сергѣевны: обучала ихъ англійской словесности. Л. П.

4) Друзья Пушкиныхъ, — Наталья Карловна Ноденъ и Екатерина Карловна Лодыженская, рожд. Занденъ; ихъ сестра Елизавета Карловна была за министромъ финансовъ Брокомъ (его 1-я жена; 2-я была рожд. Бекъ). Л. П.

5) Знаменитая няня Александра Сергѣевича и Ольги Сергѣевны — Арина Родіоновна. Скончалась на рукахъ Ольги Сергѣевны, на квартирѣ Павлищевыхъ, гдѣ и проведа послѣдніе годы своей жизни (въ Петербургѣ). Л. П.

Сноски к стр. 27

1) А. С. Пушкинъ.