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Le 7 Mars [1837 г. Варшава].

Je vois d’après Votre lettre du 16 de mars [sic], mon cher Papa, que le silence de Léon2) Vous donne des inquiétudes. Je voudrais bien, s’il en était possible, Vous transmettre ma parfaite sécurité à son égard, malgré ma tendance aussi à me repaître d’idées noires. Je suis sûre, qu’il Vous a écrit et que sa lettre est égarée; il se peut qu’il n’a pas écrit d’autres non qu’il soit malade, mais qu’il n’en a pas l’occasion, puisque souvent, pour expédier une lettre par poste de là bas, il faut faire cent et jusqu’à deux cents verstes, je le sais très bien. Je le tiens de plusieurs personnes et même de lui, si je ne me trompe, et puis sûrement il ne se trouve pas constamment dans le même lieu. Son messager aussi a pu perdre la lettre et ne lui en avoir pas dit le mot, — et si ce M-r Всеволожской3) ne Vous répond pas, — peut-être est-ce pour la même raison, ou peut-être est-il sûr que Léon lui-même Vous a répondu. En un mot, rarement mes pressentiments me trompent, et je Vous jure, que je suis parfaitement tranquille sur la santé de Léon.

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Je Vous remercie, mon cher Papa, de m’avoir envoyé les vers que Vous a adressés Глинка1); ils me paraissent sinon les mieux tournés des trois, au moins — les plus intéressans. C’est une biographie Poétique d’Alexandre — c’est beaucoup. Les autres — quoique harmonieux — ne me paraissent que des réminiscences et des redites. Je Vous envoie à mon tour un article de la gazette de Berlin, que Vous ne connaissez pas, je crois2); mon mari l’a traduite à ma prière. Faites attention à la donation de l’Empereur: il est question du bien libéré — engagé pour 300,000 roubles; comme Alexandre n’avait pas de bien, cela doit être le Vôtre. On n’aurait pas pu insérer une chose qui n’existait pas du tout; d’ailleurs cet article, d’après le tour qu’on lui a donnée, a dû être envoyé de Pétersbourg par le prince Wiasemsky — c’est en tout conforme à sa lettre à M-r Davidoff3); Alicha4) m’en a envoyé une copie. — Quant à l’édition de ses œuvres en 6 volumes, vu que cela sera au frais de la Couronne, tout le monde croit ici et jusqu’au libraire russe d’ici, qu’il ne peut y avoir moins de 8 mille exemplaires et peut-être de 10 mille. — Boulgarine pour son Histoire de Russie en douze volumes, dont 4 seulement ont paru, — a 3500 souscripteurs. — Comment ne pas être sûr qu’Alexandre en aura le double et le triple. D’ailleurs c’est bon marché.

Vous croyez, mon cher Papa, que si les amis d’Alexandre avaient mis plus de chaleur et de prévoyance, ils auraient pu prévenir cette terrible histoire. Il se peut bien, pourtant, qu’Alexandre dissimulait avec eux, mais si toutefois on peut accuser quelqu’un d’insoucience ou du

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peu de prévoyance dans tout ceci, je crois que c’est plutôt M-lle Загряцкой1), — elle qui allait tous les jours dans la maison, qui faisait de Natalie ce qu’elle voulait, qui avait tant d’ascendant sur Alexandre, mais c’est qu’apparemment cela devait arriver, — que telle était la Volonté Suprême. M-elle Загряцкой vient de prouver son attachement pour sa nièce en l’accompagnant à son âge jusqu’à Kalouga et sans doute afin de lui prodiguer tous les soins, dont elle avait besoin dans l’état terrible, où elle se trouvait avec ses 4 enfants.

Adieu, mon cher Papa; cette poste ne m’a pas apporté de Vos nouvelles. J’en attendrai la prochaine avec bien de l’impatience. Que le bon Dieu Vous conserve en bonne santé! Je Vous baise les mains bien des fois et Lolo aussi. Son esprit étonne tous ceux qui le connaissent, cela ne me fait pas plaisir. Son intelligence se développe, — je le crains au détriment de santé. Il a une mémoire étonnante et il est si pâle. J’embrasse tendrement mes cousines et présente mes respects à ma Tante et à mon Oncle. Mon mari Vous présente les siens.

Сноски

Сноски к стр. 106

2) Л. С. Пушкинъ; его письма къ отцу см. въ VIII вып. „Пушк. и его совр.“.

3) Дмитрій Алексѣевичъ Всеволожскій — однополчанинъ и другъ Льва Пушкина; они жили на Кавказѣ вмѣстѣ; см. „Пушк. и его совр.“, вып. VIII.

Сноски к стр. 107

1) „Воспоминанія о поэтической жизни Пушкина“, Ѳ. Н. Глинки; см. „Пушк. и его совр.“, вып. VIII, стр. 41.

2) Его не сохранилось въ бумагахъ С. Л. Пушкина; см. „Пушк. и его соврем.“, вып. VIII.

3) Это письмо князя П. А. Вяземскаго въ печати не появлялось.

4) О. М. Сонцева.

Сноски к стр. 108

1) Тетка H. H. Пушкиной, фрейлина Екатерина Ивановна Загряжская.